Durant ces mois d’été, dans le cadre du projet Intersections, ASF vous informe des dernières actualités en matière de justice internationale. En direct du terrain, nos équipes font le point. Cette semaine, Adrien Nifasha, coordinateur de programme Justice Internationale, nous parle des avancées de la justice internationale au Burundi. Le pays est secoué par des troubles politiques ces derniers mois mais cette situation ne signifie pas pour autant la fin des besoins des victimes en matière d’accès à la justice, bien au contraire. Découvrez comment le Burundi a fait le choix de la justice de transition par la mise en place de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) et les espoirs que les victimes placent dans cette Commission.
Q: Ces six derniers mois, peut-on dire qu’il y a eu des progrès en matière de justice internationale au Burundi?
R : La justice internationale au Burundi fait son chemin par le biais de la justice de transition. En décembre 2014, la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) a été enfin mise en place après 14 ans d’attente, c’est-à-dire depuis la signature de l’accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation signé en 2000. Au regard de cet accord, cette commission est compétente pour enquêter et établir la vérité sur les violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire. Elle est également compétente pour qualifier toutes ces violations. Cette commission est pour le moment dans une phase de préparatoire : préparation des règlements intérieurs, de procédure, recrutement et formation du personnel… Un pas en avant est donc fait en espérant que la CVR sera bientôt opérationnelle à la satisfaction du peuple burundais.
Q: D’après vous, les victimes et les communautés affectées auront-elles un meilleur accès à la justice?
R : Les victimes des crimes commis entre 1962 et 2008 (période couverte par la CVR) placent leur espoir dans le travail de la CVR. Ecoutez celles qui se sont exprimées dans la vidéo du projet Intersections : elles se réjouissent de la mise en place de la commission. Elles espèrent que, de par son mandat, celle-ci va contribuer à un meilleur accès à la justice. Les résultats du travail de cette commission sont donc très attendus par la population, surtout par les victimes des crimes, pour que justice leur soit faite. Même si la préparation peut déjà présager de ce qui peut être attendu, les sentiments de satisfaction ou d’insatisfaction pourront être véritablement vérifiés et évalués dès que les activités de la Commission débuteront.
Q: Comment ASF contribue-t-elle à la mise en place de la Commission Vérité et Réconciliation?
R : Le projet Intersections au Burundi est dans une logique d’appui à la CVR pour qu’elle soit techniquement outillée et prête à démarrer ses activités. Nous appuyons également les avocats pour qu’à leur tour, ils soient préparés à donner une assistance juridique de qualité aux victimes et à toutes les personnes qui vont participer aux audiences de la CVR. L’objectif général recherché par ces appuis est de contribuer au respect d’une procédure équitable conforme aux standards internationaux.
Q : Concrètement ?
R : Notre appui prend la forme de renforcements de capacités, d’activités de recherche, d’appuis techniques dans la rédaction des textes légaux et des outils de fonctionnement pour la phase préparatoire, d’aide légale et d’assistance juridique à apporter aux victimes, aux témoins, voire des présumés auteurs à la phase effective des travaux d’enquête, etc. Certains de ces appuis ont d’ailleurs été déjà traduits en pratique, d’autres le seront bientôt. Mais ces appuis sont conditionnés par l’indépendance et la neutralité du personnel de la CVR – dont ses commissaires – ainsi que par le respect des droits des victimes et d’autres personnes qui seront appelées à participer. Nous avons d’ailleurs repris des lignes rouges reprenant ces conditionnalités dans un papier de positionnement que nous avons partagé, expliqué et convenu avec les partenaires principaux de la justice de transition au Burundi, en ce compris la CVR.
Q : Le Burundi connait depuis plusieurs semaines une crise politique Cette situation impacte-t-elle sur le traitement des crimes du passé ?
R : Le contexte d’insécurité que connait actuellement le Burundi ne signifie évidemment pas pour autant la fin des besoins des victimes en matière d’accès à la justice, bien au contraire. L’appui d’ASF dans le processus de la justice de transition, et partant de la justice internationale, au Burundi répond à des besoins réellement exprimés par les bénéficiaires. Il s’agit notamment de la CVR, des avocats et surtout des victimes. C’est le fruit d’une stratégie d’intervention qui a été arrêtée dès le début du projet, mise à jour régulièrement après des analyses ad hoc du contexte changeant et des besoins des acteurs. Nous espérons très vite pouvoir être en mesure de poursuivre ce travail avec toutes les parties prenantes dont la CVR, qui est véritablement un acteur central.