OugandaNewsJustice TransitionnelleDroits des victimes
Kampala, le 12 juillet 2017 – De février à avril 2017, ASF a mené des consultations auprès de victimes des atrocités de masse perpétrées par le groupe rebelle Lord’s Resistance Army dans le nord et l’est de l’Ouganda, en vue de connaître leurs opinions quant aux réparations envisageables pour les préjudices subis. Ces consultations visaient à mieux comprendre les besoins et les priorités des victimes et à connaître leurs impressions quant aux discussions en cours dans le cadre du processus de justice transitionnelle. Nous avons demandé à notre Directeur pays de faire le point sur les questions soulevées. Quelles sont les principales conclusions de l’étude d’ASF A Beggar has no Choice (Les mendiants n’ont pas le choix)?
Romain Ravet: Elle permet de mettre en lumière le besoin des victimes d’obtenir réparation pour les préjudices subis durant le conflit. Elle souligne la nécessité de les reconnaître en tant que victimes ayant subi des dommages et ayant pleinement droit à ces réparations. Au cours des consultations, nous avons réalisé, avec beaucoup de tristesse, que la plupart des victimes se considèrent comme des « mendiants ». Or, ce n’est absolument pas le cas. Ces personnes détiennent des droits, et elles doivent être reconnues en tant que telles. Malheureusement, elles doivent faire face à une injustice criante, car les crimes dont elles ont été victimes par le passé sont la source de difficultés vécues, aujourd’hui, dans leur quotidien. Par exemple, un grand nombre de femmes ont été victimes de violences sexuelles, ce qui est déjà en soi une expérience extrêmement traumatisante. Pourtant, elles ne sont pas reconnues comme victimes de ces crimes : souvent, elles ne bénéficient ni d’un soutien psychologique ni d’une prise en charge pour les enfants nés de la guerre/du viol. Cette situation est très problématique : ces personnes sont marginalisées, mises au ban de la société ougandaise. Pour clarifier, de quels crimes parlez-vous et comment en obtenir réparation ? L’Armée de la résistance du Seigneur (LRA) a pris les armes en 1987, et le conflit a secoué le nord de l’Ouganda durant deux décennies. En janvier 2004, le gouvernement ougandais a renvoyé le cas de la LRA devant la Cour pénale internationale (CPI). Les commandants de la LRA ont été inculpés de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Ces atrocités ont laissé de multiples traumatismes physiques et psychologiques chez de nombreuses victimes. Il est urgent de leur fournir un soutien psychosocial pour leur permettre de redevenir des membres à part entière de leur communauté. Il est aussi nécessaire de leur donner accès aux services publics, à de l’eau potable, à l’enseignement pour leurs enfants et à des outils agricoles, pour ne citer que quelques exemples. L’étude d’ASF détaille leurs besoins et les moyens d’y répondre.Pourquoi un tel retard dans la mise en œuvre des réparations pour les victimes de crimes ? Le projet de politique de justice transitionnelle qui vise à mettre en place des dispositifs exhaustifs dans l’optique d’encourager la vérité, la réconciliation, la responsabilité et les réparations des crimes passés, n’a toujours pas été présenté au Parlement ougandais. Néanmoins, cette situation ne peut excuser l’absence de réparations pour les victimes. Lors des différentes consultations, les victimes ont clairement fait part de ce dont elles ont besoin. Le gouvernement, la société civile, les partenaires du développement et les autres parties prenantes concernées doivent intervenir pour leur apporter un soutien tangible. Les programmes de développement gouvernementaux sont un service que le gouvernement en place est tenu de fournir aux citoyens. Ils ne peuvent donc être considérés comme des réparations.Selon vous, comment les réparations peuvent-elles restaurer la dignité des victimes ?Aucune réparation n’est réellement à même de restaurer entièrement la dignité des victimes, mais certaines mesures peuvent leur apporter un soulagement. Elles pourront se projeter dans un avenir meilleur pour elles-mêmes et pour leurs enfants si ceux-ci bénéficient d’une éducation gratuite. De meilleurs services de santé leur permettraient de soulager la douleur dont elles souffrent aujourd’hui et de pouvoir travailler pour subvenir à leurs besoins. Une des victimes nous confiait qu’elle ne peut plus bêcher son jardin en raison de la douleur physique qu’elle ressent toujours suite à ses blessures par balles.Les victimes se retrouvent marginalisées, et il est urgent de leur donner les moyens de faire de nouveau entendre leur voix. À notre sens, le droit est un langage approprié pour faire entendre ses besoins et ses aspirations auprès des acteurs qui ont le devoir de garantir les droits humains. Nous estimons qu’il est fondamental de transformer les victimes d’atrocités en détenteurs actifs de droits, capables de prendre part à la société civile ougandaise en étant conscients de leurs droits et en étant accompagnées pour les faire valoir.Quel plaidoyer ASF souhaite-t-elle présenter devant le gouvernement ougandais, le Parlement, les organisations de la société civile et les partenaires du développement en ce qui concerne les réparations pour les victimes ?Nous les appelons à écouter la voix des victimes. Elles ont des besoins spécifiques, et une partie du soutien qui leur est proposé aujourd’hui n’est pas compatible avec leur réalité. Nous souhaitons également que l’accent soit mis sur un soutien tangible, de long terme, au lieu de mesures ponctuelles.
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ASF a milité activement pour faciliter l’action des victimes devant l’International Crimes Division (ICD), en portant les efforts pour en établir les règles de procédure et de preuve, la proposition de loi et la proposition de lignes directrices pour le greffe. Tous ces documents comprennent des dispositions expliquant aux victimes la procédure à suivre pour agir devant les tribunaux et se faire représenter au mieux. ASF a aussi étroitement travaillé avec les avocats des victimes lors de l’affaire Thomas Kwoyelo par le biais de la formation et du suivi du procès. Plus important encore, nous interagissons avec les victimes au travers de campagnes de sensibilisation et d’information qui leur permettent de connaître leurs droits.
L’étude A Beggar has no Choicea été menée avec l’appui de la Fondation MacArthur.
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