Bruxelles / Bukavu, le 17 juillet 2013 – En cette Journée de la justice pénale internationale, Avocats Sans Frontières (ASF) salue le courage des victimes de violations graves des droits de l’Homme. Bravant la peur de représailles, elles font entendre leurs voix à la Cour pénale internationale mais aussi aux tribunaux de leur pays. ASF rappelle à quel point l’accès à la justice pour ces victimes est un élément clé pour lutter contre l’impunité.
Julienne* est une villageoise de la province du Sud Kivu, à l’est de la RD Congo. Il y a sept ans, presque jour pour jour, la vie de la jeune femme bascule dans la violence : cette mère de famille est violée, tout comme six autres femmes de son village, par des soldats qui ensuite, la défigurent.
Aujourd’hui, Julienne vit à 50 km de son village d’origine. « A cause de ce que j’ai subi, ma famille m’a rejetée et mon mari m’a quittée. Je tente de survivre. En fait, je suis mourante et en vie, en même temps », témoigne-t-elle.
Pourtant, la jeune femme ne s’est pas résignée à son sort et a accepté, avec le soutien d’ASF, de témoigner au procès de l’officier haut gradé accusé d’avoir commis de graves violations des droits de l’Homme dans 30 villages, y compris celui de Julienne : pillages, incendies de maisons, viols, meurtres, enlèvements d’enfants, prises d’otages, esclavage sexuel, et torture.
Avec deux ONG locales formées, ASF s’est rendue dans les lieux des exactions pour y collecter des récits, identifier des victimes et les sensibiliser à participer à la procédure. Suite à cela, le nombre de victimes initialement identifiées (par le Bureau Conjoint des Nations Unies pour les Droits de l’Homme et l’Auditorat Militaire du Sud Kivu) dans le cadre de cette affaire est passé de 30 à 700 !
Dominique Kamuandu, coordinateur ASF Justice pénale internationale en RD Congo, coordonne ces missions dans les villages: « Nos avocats offrent aux victimes une assistance juridique. Nous prenons également en charge le déplacement et l’hébergement des victimes qui acceptent de témoigner ». Mais le plus grand défi, c’est vaincre la méfiance des villageois à l’égard de la justice qui leur semble inaccessible. La crainte de représailles de l’entourage des auteurs de crimes est réelle, en particulier pour les victimes qui acceptent de témoigner.
Malgré ce contexte difficile, Julienne est déterminée : « Sans la justice et le procès, je n’aurais jamais pu me présenter comme victime. Sans ASF, je serais oubliée. Mon espoir, c’est que l’auteur des faits ne refera pas les mêmes actes. Nous témoignons au procès car si d’autres femmes subissent les mêmes faits, elles auront le courage de témoigner ».
En plus des affaires ouvertes à la Cour pénale internationale de La Haye, des dizaines de procès pour crimes internationaux sont en cours au niveau national en vertu du principe de complémentarité. En 2012, en RD Congo, ASF a par exemple accompagné plus de 2.100 victimes et 15 prévenus dans 19 affaires devant des juridictions militaires. Le procès de l’officier mis en cause dans les violations des droits de l’Homme de Julienne va débuter dans les prochaines semaines. L’occasion pour Julienne et les autres victimes assistées par ASF, d’enfin faire valoir leurs droits.
*prénom d’emprunt