Kinshasa / Bruxelles, le 26 avril 2013 – Avocats Sans Frontières a pour mandat de représenter légalement au moins 58 villageois de Yalisika, victimes de violations des droits humains par des membres de la police et de l’armée congolaise en 2011. Malgré de nombreux textes législatifs sur la gestion forestière, les sociétés forestières privées en RD Congo respectent rarement la loi et les communautés locales ne sont pas suffisamment informées de leurs droits. En conséquence, ces communautés, en particulier dans les zones rurales, continuent d’être marginalisées et victimes de mauvais traitements.
Il est trois heures du matin, le 2 mai 2011, lorsque quelque 60 policiers et militaires entrent dans le petit village de Bosanga situé dans Yalisika, dans la province de l’Equateur, au nord de la RD Congo. « Les hommes en uniforme ont violé plusieurs femmes et jeunes filles. De nombreux coups s’ensuivirent. Un vieil homme en est mort. Les policiers et les militaires sont aussi allés de maison en maison, saisissant et détruisant nos biens», témoigne un membre de la communauté. Au moins 15 personnes – dont deux mineurs – sont arrêtées et maltraitées.
Cette opération constituait des représailles à au moins trois incidents qui avaient eu lieu plus tôt dans l’année lorsque les villageois avaient saisi certains biens de la compagnie forestière SIFORCO pour forcer l’entreprise à engager un dialogue. SIFORCO a commencé ses activités d’exploitation dans la région en 1993 et a signé un «accord de responsabilité sociétale» avec les chefs traditionnels en 2005. « Ces accords sont une obligation légale et impliquent des avantages pour les populations locales », explique Aurora Capelier, Chef de mission d’Avocats Sans Frontières. « Mais cinq ans plus tard, la communauté n’avait pas encore reçu l’école ou le centre de santé promis par SIFORCO. Ils étaient exaspérés par les blocages créés par l’entreprise. C’est ce qui explique les incidents ».
Cette affaire de violations des droits humains commises à Yalisika a été prise en charge par ASF en mars 2012. « Notre rôle est d’organiser la représentation légale des victimes devant les juridictions congolaises, de défendre leurs intérêts et d’assurer leur protection », ajoute Aurora Capelier.
Le bureau du procureur militaire a ouvert une enquête, toujours en cours. 60 membres de la police et des forces militaires seraient impliqués et des éléments indiquent que certains employés de la SIFORCO auraient participé à la planification et à la préparation de l’attaque. Un procès pourrait être organisé dans les deux mois après la clôture de l’enquête. « Ce sera un moment important. Nous croyons que ces violations constituent des crimes contre l’humanité et nous devons nous assurer que tous les acteurs publics et privés impliqués seront tenus pour responsables », conclut la Chef de mission ASF.
Au fil des ans, ASF a développé une expertise spécifique dans le domaine de la justice pénale internationale en RD Congo, notamment grâce à son équipe d’avocats locaux. Cette affaire s’inscrit dans le cadre d’un effort général visant à lutter contre l’impunité pour les communautés particulièrement vulnérables, vivant dans des régions éloignées comme la province de l’Equateur, pour qui l’accès à la justice est pratiquement impossible.
Note: Le 25 avril 2013, une plainte a été déposée en Allemagne contre la multinationale Danzer, la société mère de SIFORCO au moment des crimes. Cette action juridique complète l’intervention d’ASF dans le soutien aux victimes devant les juridictions congolaises.