Kinshasa, RD Congo, le 8 juin 2015 – L’ONG Avocats Sans Frontières (ASF) se félicite de l’ouverture du procès concernant l’attaque sur le village de Yalisika commise en 2011. ASF s’inquiète cependant que tous les responsables identifiés au cours des enquêtes ne soient encore pas traduits en justice et rappelle l’importance que toutes les responsabilités dans la commission de ces crimes soient établies. Ce procès est également un signal : les droits humains des populations doivent être respectés dans le cadre de l’exploitation forestière et industrielle en RD Congo.
Le 2 mai 2011, quelque 60 policiers et militaires entrent dans le petit village de Bosanga situé dans le groupement de Yalisika, en province de l’Equateur. Lors de cette opération, de graves violations de droits humains sont commises : viols, coups, torture et destruction de biens. Cette opération constituerait des représailles à des actions des villageois qui avaient saisi certains biens de la Société Industrielle et Forestière du Congo (SIFORCO) pour forcer l’entreprise à engager un dialogue.
La SIFORCO avait commencé ses activités d’exploitation dans la région en 1993 et signé un cahier des charges avec les chefs de groupement en 2005. En vertu de cet accord, la société devait en contrepartie de ses activités d’exploitation construire des infrastructures à caractère social au profit des villageois. La SIFORCO n’honorant pas ces engagements, les populations avaient organisé une action de protestation.
L’attaque sur le village aurait été commanditée par la SIFORCO, qui aurait fourni un appui logistique (véhicules, chauffeurs…) aux policiers et militaires placés sous les ordres du Colonel Koyo, commandant de la Police Nationale Congolaise du territoire de Bumba aux moments des faits. Le Colonel Koyo et cinq autres policiers et militaires sont aujourd’hui poursuivis.
La tenue de ce procès est un signal lancé par la justice aux détenteurs des pouvoirs et aux entreprises. « Les crimes graves et les violations massives des droits humains ne sont pas nécessairement toujours liés au contexte de conflit armé. Les droits humains des populations doivent être respectés dans le cadre de l’exploitation forestière et industrielle », rappelle Josselin Léon, Chef de Mission d’ASF en RDC.
Certains co-auteurs et complices présumés n’ont toutefois pas été poursuivis. Ces derniers pourraient perturber le cours normal du procès et insécuriser les victimes et les témoins. « Il y a eu des intimidations, des menaces et de la manipulation pendant la phase pré-juridictionnelle. La sécurité et le bien-être des victimes ainsi que des autres intervenants doivent être garantis tout au long de la procédure », témoigne le Chef de mission.
ASF souhaite que les mesures de protection soient prises pour favoriser la participation des victimes et témoins à la procédure et garantir leur sécurité après le procès.
L’ONG appelle l’Auditorat supérieur et la Cour militaire de l’Equateur à jouer pleinement leurs rôles en toute indépendance et impartialité, et à veiller aux exigences d’un procès équitable, dans l’intérêt de la bonne administration de la justice.
« Nous suivrons avec attention tout le déroulement du procès jusqu’au verdict. Si les responsabilités de tous les acteurs sont établies, nous continuerons à nous investir pour que les victimes obtiennent réparation », confirme Josselin Léon.
Le procès a débuté le 5 juin dernier en audience foraine dans la région de Mbandaka, et devrait se clôturer en principe fin du mois de juin.
Depuis 2012, ASF a mené des missions de collecte de récits, d’identification des victimes et de sensibilisation à participer aux procédures. 42 victimes se sont constituées parties civiles et ont donné procuration au collectif d’avocats soutenu par ASF pour défendre leurs intérêts.