Protéger les droits constitutionnels et procéduraux des personnes en détention provisoire à travers l’accès à la justice en Ouganda

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L’équipe d’ASF en Ouganda vient de publier l’étude de référence « Protéger les droits constitutionnels et procéduraux des personnes en détention provisoire à travers l’accès à la justice en Ouganda « . Elle est disponible sur notre site et sera présentée lors d’une conférence ExPEERience le 2 mars 2023. Vous pouvez vous inscrire pour suivre la présentation en ligne.

Le recours (excessif) à la détention provisoire en Ouganda

Bien que la détention avant procès doive être l’exception plutôt que la règle, le recours à la détention provisoire est très répandu en Ouganda. En mars 2022, plus de la moitié de la population carcérale était en attente de jugement, l’un des principaux facteurs contribuant à un taux d’occupation des prisons de plus de 300%.

L’usage excessif de la détention provisoire ne mène pas seulement à la surpopulation carcérale : il expose aussi les personnes détenues à des risques accrus de torture, de mauvais traitements et de contrainte. Pour un.e suspect.e ou un.e accusé.e, le fait de passer un temps important en prison dans l’attente de son procès compromet ses chances de bénéficier d’un procès équitable ainsi que sa présomption d’innocence.

Il existe des garanties dans le droit ougandais, notamment dans la Constitution, pour que la détention provisoire soit utilisée avec parcimonie et dans le respect des droits et libertés d’un.e accusé.e. Cependant, ces dispositions sont souvent violées, que ce soit en raison de l’abus de pouvoir des fonctionnaires, de la lenteur des enquêtes, de la corruption, de l’accumulation des dossiers, de l’ignorance de la loi et/ou du manque de représentation juridique adéquate. En 2021, ASF a mené une étude de référence pour rassembler des preuves et des données indispensables sur la situation des détenu.e.s provisoires dans les prisons ougandaises. L’objectif de l’étude était de fournir un aperçu du profil socio-économique des détenu.e.s, des pratiques de détention et d’arrestation, et des expériences de la détention provisoire.

Le profil socio-économique des personnes en détention provisoire : Ce que l’étude de base nous apprend

En Ouganda comme dans beaucoup de pays, la détention provisoire touche de manière disproportionnée les personnes défavorisées. La majorité des suspect.e.s et des détenu.e.s interrogé.e.s (77 %) n’avait aucune qualification ou n’avait terminé que l’école primaire. Seul.e.s 8 % d’entre eux.elles occupaient un emploi formel au moment de leur arrestation, tandis que les autres dépendaient du secteur informel ou de la paysannerie.

Ceci représente un enjeu important pour le système de justice pénale. Les personnes issues de milieux économiquement et socialement défavorisés sont plus susceptibles d’être impliquées dans de la petite délinquance, pour laquelle la détention préventive se justifie rarement et renforce la marginalisation de ces populations déjà en situation de vulnérabilité. De plus, ces personnes sont généralement moins susceptibles de connaître leurs droits, rencontrent plus de difficultés pour accéder à l’aide juridique et ne disposent souvent pas des ressources et des réseaux de soutien nécessaires pour se remettre d’une longue période de détention provisoire. Certains groupes présentant des vulnérabilités supplémentaires, comme les réfugié.e.s, les femmes et les enfants, rencontrent encore davantage de difficultés pour accéder à des services d’aide juridique.

Garanties constitutionnelles et procédurales

La Constitution ougandaise prévoit qu’un.e suspect.e détenu.e dans un poste de police doit être présenté.e. à un.e magistrat.e dans les 48 heures, ceci afin de permettre un contrôle judiciaire de l’accusation et de la nécessité de la détention. Dans l’étude de référence menée par ASF, seul.e.s 7% des suspect.e.s rencontrés dans les postes de police y avaient été détenus pour moins de 48 heures. La majorité des suspect.e.s (63%) ne connaissaient pas non plus leur droit de demander la libération sous caution, ce qui signifie que peu d’entre eux.elles étaient en mesure de défendre leurs intérêts.

S’agissant de détention provisoire en maison d’arrêt, la Constitution prévoit que la détention provisoire ne doit pas dépasser 180 jours pour les infractions pouvant mener à la peine capitale et 60 jours pour les autres infractions. Dans la pratique, 59 % des détenu.e.s interrogé.e.s dans les prisons avaient passé plus de 180 jours en détention provisoire. Plusieurs détenu.e.s attendaient leur procès depuis plusieurs années, dont une jeune femme de 21 ans qui avait été maintenue en détention provisoire pendant six ans. L’adoption récente de nouvelles directives sur la mise en liberté sous caution risque d’aggraver la situation.

L’accès à l’assistance judiciaire : une condition nécessaire mais insuffisante pour garantir le respect des droits des détenu.e.s

Sur l’ensemble des détenu.e.s interrogé.e.s, seuls 19% avaient eu accès à des services d’aide juridique pendant leur détention. Des services d’aide juridique gratuits et accessibles sont essentiels pour garantir que les détenu.e.s soient informé.e.s de leurs droits et accompagné.e.s pour faire avancer leur dossier ou pour obtenir une libération sous caution. À l’occasion du lancement du rapport l’étude d’ASF, les parties prenantes des institutions de justice pénale et les prestataires de services d’aide juridique ont demandé que le projet national de loi sur l’aide juridique soit adopté afin que l’accès à l’aide juridique soit garanti pour les personnes indigentes et en situation de vulnérabilité.

Toutefois, des changements plus systémiques sont indispensables pour garantir que le recours à la détention provisoire soit limité aux cas pour lesquels elle est nécessaire, et utilisé conformément aux garanties procédurales et constitutionnelles. Dès l’arrestation, toutes les parties prenantes de la chaîne pénale ainsi que le gouvernement ougandais ont un rôle à jouer pour garantir que les droits et les libertés individuelles des personnes arrêtées soient respectés, que le système de justice pénale ne criminalise pas indûment les personnes défavorisées, et que les violations soient identifiées, étudiées et réparées.

La liste complète des recommandations formulées par ASF est disponible dans le rapport de référence.

Le travail d’ASF sur la détention provisoire en Ouganda

Depuis 2019, ASF et son partenaire le Legal Aid Service Providers Network (LASPNET), avec le soutien de la Coopération Autrichienne pour le Développement (ADC), travaillent pour protéger et promouvoir les droits constitutionnels et procéduraux dans l’administration de la justice en Ouganda. Dans ce cadre, des services gratuits d’aide juridique ont été fournis à plus de 4000 personnes dans huit districts du pays. ASF organise également des sensibilisations pour autonomiser les communautés dans la défense de leurs droits, et effectue également un plaidoyer aux niveaux local et national pour des réformes positives.