Tunis, le 13 mai 2015 – ASF (Avocats Sans Frontières) et une douzaine d’autres organisations non gouvernementales internationales de défense des droits humains tirent la sonnette d’alarme sur les risques liés à l’adoption d’un projet de loi sur la sécurité. Le texte déposé au Parlement tunisien porte sur le secret d’Etat et le « dénigrement » des forces de sécurité. Certaines de ses dispositions menacent la liberté d’expression. ASF demande à ce que le projet soit compatible avec les standards internationaux et la Constitution tunisienne.
Suite à l’attaque du musée du Bardo à Tunis, le 18 mars 2015, le gouvernement a déposé en avril 2015 à l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) un projet de loi controversé, portant sur la répression des atteintes aux forces armées.
Certes, la situation sécuritaire dans le pays a été secouée ces derniers mois par une série d’attentats meurtriers qui ont fait des victimes tant civiles que militaires. Après analyse du texte de loi, les ONG internationales craignent toutefois que certaines dispositions portent atteinte à la liberté d’expression et favorisent l’impunité des forces de sécurité.
« Ces dispositions, comme l’introduction du délit de dénigrement de la police et des autres forces de sécurités, sont inquiétantes. Elles permettraient d’incriminer le comportement des journalistes, des lanceurs d’alerte, des défenseurs des droits humains et de tout autre individu qui critique la police », analyse Antonio Manganella, chef de mission d’ASF en Tunisie. « Le texte dans sa version actuelle autorise également les forces de sécurité à utiliser la force létale même si celle-ci n’est pas strictement nécessaire pour protéger des vies humaines », poursuit M. Manganella.
ASF estime que le texte doit être impérativement amendé afin d’être compatible avec les standards internationaux des droits humains et avec la Constitution tunisienne. En effet, si les forces de sécurité tunisiennes doivent être en mesure de protéger la population contre de potentielles attaques, cela doit se faire dans le respect des droits humains. C’est pourquoi le respect des standards internationaux, comme les Principes de base des Nations Unies sur l’utilisation de la force et des armes à feu par les officiers de police, doivent être respectés
« Si le gouvernement ne décide pas de retirer le texte dans sa version actuelle, nous appelons l’ARP à l’amender en profondeur lors du débat parlementaire», demande le Chef de mission ASF à Tunis.
L’appel d’ASF s’inscrit dans une large mobilisation de la société civile nationale et internationale. Les organisations tunisiennes, dont plusieurs partenaires d’ASF, ont également manifesté leur désaccord avec ce projet de loi.
Le débat relatif à ce projet de loi survient dans un contexte politique particulier. A la suite des deuxièmes élections démocratiques depuis la révolution de 2011 tenues fin 2014, le nouveau gouvernement se doit de concentrer tous ses efforts dans la mise en œuvre des acquis constitutionnels visant à garantir les libertés et à protéger les droits des citoyens des abus qui ont caractérisé le régime de Ben Ali.
Communiqué signé par ASF et Amnesty International, ARTICLE 19, Action of Christians Against Torture, Réseau Euro-méditerranéen des Droits de l’Homme, Fédération Internationale des Droits de l’Homme, Human Rights Watch, International Commission of Jurists , International Media Support, Organisation Mondiale Contre la Torture, Oxfam, Reporters Sans Frontières et The Carter Center (version en français et arabe)