Bunia, 18 octobre 2013 – Juriste de formation, Martin Causin est le coordinateur du bureau d’Avocats Sans Frontières (ASF) à Bunia, en Ituri (Province Orientale), au Nord-Est de la RD Congo (RDC). Avec son équipe, cet originaire de Bruxelles âgé de 34 ans soutient les différents projets que mène ASF en matière d’accès à la justice. Il témoigne de l’engagement des victimes, avocats et juges congolais dans la lutte contre les crimes internationaux.
L’Est de la RDC est toujours le théâtre de graves violations des droits humains, comme autour de Goma (Nord Kivu). La situation en Ituri est-elle également instable?
Oui. Des milices sont actives et commettent des crimes internationaux, comme des viols, pillages et meurtres. Dans ces conditions, lutter contre l’impunité des auteurs de ces actes, c’est donner un signal fort pour mettre fin à ces atrocités et donner de l’espoir aux victimes.
La milice de Morgan est accusée d’avoir commis en 2012 une série d’atrocités contre les populations d’un village situé au cœur d’une réserve naturelle. Pas moins de 67 victimes ont été identifiées. Quelle est l’action d’ASF dans ce dossier ?
Suite à l’arrestation de plusieurs membres de cette milice par les autorités congolaises, l’affaire a été envoyée devant le Tribunal Militaire de Bunia en première instance et, ensuite, en degré d’appel devant la Cour Militaire, pour statuer sur des charges retenues à l’encontre de trois prévenus. En collaboration avec l’ONG nationale « FJPM », ASF est descendue sur les lieux des exactions pour récolter les témoignages et encourager les victimes à se constituer parties civiles. Au terme de ce travail de sensibilisation, 27 victimes ont donné des procurations pour participer au procès. Je salue d’ailleurs leur courage.
Ces procès se sont tenus en « audience foraine », un mécanisme développé par ASF et qui permet de rapprocher la justice des populations….
Effectivement, les procès ont nécessité le déplacement de tous les acteurs : cinq juges, un magistrat du Parquet et un greffier, les victimes, sans oublier les prévenus emprisonnés à Bunia. Un vrai défi tant logistique (près de 200 km de piste) que sécuritaire, vu la tension dans cette zone. Ces audiences ont pu se tenir grâce à la bonne collaboration entre les autorités judicaires congolaises, les Nations Unies (dont la Section d’appui à la justice de la Monusco) et ASF.
ASF assure-t-elle la représentation et la défense des victimes lors du procès ?
Oui, et gratuitement. Deux avocats du Barreau de Kisangani et membres du Pool Justice Internationale ASF en RDC sont chargés de cette affaire.
Quel est votre bilan de l’affaire à ce stade ?
Malgré quelques irrégularités de forme, les procès se sont déroulés dans le respect des normes juridiques et les victimes présentées à la Cour avec le soutien d’ASF ont bénéficié de mesures de protection efficaces. Un autre point positif est le recours au Statut de Rome dans l’ensemble des plaidoiries et dans la décision de la Cour. Que les juridictions militaires congolaises s’appuient sur des textes internationaux en matière de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, c’est une réelle avancée dans l’administration de la Justice.