
La publication par la Commission européenne de sa proposition Omnibus révisant les principales lois sur le développement durable des entreprises envoie un signal politique clair : la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a renoncé aux droits humains, aux droits des travailleur·euse·s et à la protection de l’environnement au profit d’une dangereuse déréglementation.
Lorsque la présidente Ursula von der Leyen a annoncé, à la fin de l’année dernière, une proposition Omnibus visant à simplifier les obligations des entreprises en matière d’information et de développement durable, elle s’est engagée à respecter pleinement l’esprit et le « contenu de la loi » et a déclaré que l’objectif de l’exercice était de réduire le chevauchement des obligations. La proposition publiée le 26 février s’écarte radicalement de cette promesse et, si elle est mise en œuvre, elle réduira à néant l’objectif principal de ces lois.
La proposition Omnibus supprimerait un grand nombre de dispositions essentielles de la directive sur le développement durable, ce qui la rendrait pratiquement inopérante
Si elle est mis en œuvre, il pourrait en résulter dans la pratique :
- La responsabilité civile sera laissée dans une large mesure à l’appréciation des États membres de l’UE, ce qui pourrait réduire considérablement l’accès des victimes à la justice devant les tribunaux de l’UE.
- Les entreprises ne seront tenues d’évaluer que les préjudices imputables à leurs partenaires commerciaux directs, ce qui réduit considérablement la chaîne de valeur.
- Il n’y a plus d’obligation de « mettre […] en œuvre » les plans de transition climatique, ce qui introduirait une faille dangereuse, permettant aux entreprises de se conformer à la disposition, en théorie, en produisant simplement un plan sur papier, plutôt qu’en le mettant en œuvre.
- Les États membres de l’UE ne seraient plus en mesure d’établir des règles plus ambitieuses que la directive.
- Les entreprises ne seront plus tenues de résilier les contrats (même dans les cas où il est possible ou probable que les abus se poursuivent).
- L’engagement des parties prenantes sera réduit à celles qui sont « directement » concernées.
- La fréquence du contrôle de l’efficacité des mesures de diligence raisonnable est ramenée de tous les ans à tous les cinq ans.
- Suppression du plafond minimal des sanctions fixé à 5 % du chiffre d’affaires.
- La Commission n’est plus obligée d’examiner la nécessité d’appliquer des règles de diligence raisonnable.
« Omnibus est une feuille de route qui perpétue l’impunité des entreprises. Cette proposition vide de sa substance la diligence raisonnable des entreprises, la transformant en un exercice creux de cochage de cases, tout en privant les victimes de leur droit à la justice. Le message de Bruxelles est on ne peut plus clair : les intérêts de l’industrie passent en premier, tandis que les personnes et la planète sont laissées pour compte. Aujourd’hui, des centaines d’organisations de la société civile du monde entier s’élèvent contre la déréglementation, contre l’écoblanchiment et contre ce recul inconsidéré de la responsabilité des entreprises.
Marion Lupin, Chargée de politique chez European Coalition for Corporate Justice