Tunis/Monastir, le 16 juin 2014 – Avocats Sans Frontières (ASF) salue les arrêts rendus récemment par le Tribunal de première instance de Monastir qui condamnent cinq sociétés à dédommager 311 travailleuses licenciées abusivement en 2013. Ce jugement rappelle que le respect du droit des travailleurs est une obligation pour tous les employeurs actifs en Tunisie, en ce compris les multinationales implantées dans le pays.
Le 5 juin 2014, le Tribunal de première instance de Monastir a condamné les cinq sociétés tunisiennes (SUNCO, THT, JJ Fashion, Liatex et JBG), membres du groupement textile belge Jacques Bruynooghe Global (JBG) pour non-respect de la législation sociale.
Licenciées abusivement en 2013, 311 ouvrières avaient déposé plainte contre ces usines, où elles travaillaient. Elles ont obtenu gain de cause en se voyant accorder la quasi-totalité des indemnités qui leur étaient dues : salaires arriérés, primes et indemnités de licenciement abusif, pour un montant global de plus de quatre millions de dinars tunisiens, soit l’équivalent de quelque 1,8 millions d’euros.
Ces travailleuses ont été assistées dans leur démarche par Maître Charfeddine Kellil, mandaté par ASF dans le cadre du projet de défense des droits économiques et sociaux des personnes vulnérables des régions de Monastir et du bassin minier (Gafsa). Financé par l’Union européenne, ce projet est mené en partenariat avec le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES).
Le Tribunal a reconnu le caractère abusif du licenciement des travailleurs par une société qui s’était déclarée en faillite. Cette décision de justice doit être saluée à deux titres : elle condamne des sociétés membres d’un groupement étranger et le montant des indemnités accordées est élevé. « C’est donc un message fort lancé au patronat du secteur textile (national et étranger) : les droits économiques et sociaux des travailleurs, la législation sociale, ainsi que le code de commerce doivent être respectés », se réjouit Me Kellil.
De manière plus générale, ce type de jugements donne de l’espoir à des milliers d’ouvrières originaires des régions les plus défavorisées de Tunisie. « La protection et l’effectivité des droits humains doivent être garanties. Cette affaire souligne à quel point, l’accès à la justice permet de faire valoir ses droits », relève Martin Causin, chef de Mission en Tunisie.
« Le défi sera de s’assurer que ces condamnations ne restent pas sans suite et que, malgré les faillites des sociétés concernées, le paiement des indemnités soit effectué », conclut M. Causin.
Selon une étude du FTDES, 87 usines de l’industrie du textile de la région de Monastir ont dû fermer leurs portes entre 2007 et 2012, laissant quelque 4.500 personnes sans emploi. Faiblement scolarisées, les femmes sont les premières victimes puisque huit sur dix se retrouvent au chômage. Cette situation aggrave leur précarité et freine toute amélioration des conditions de vie de milliers de foyer.