N’Djamena, 21 août 2013 – Grâce à son projet mineurs, Avocats Sans frontières (ASF) a pu obtenir la libération de 64 jeunes détenus dans la prison de N’Djamena, au Tchad. Mené en partenariat avec l’ONG tchadienne Association pour la Promotion des Libertés Fondamentales au Chad et financé par le Programme d’Appui à la Justice au Tchad de l’Union européenne, le projet a également permis de mettre en évidence les difficultés que rencontrent enfants et adolescents dans le système judiciaire et les abus manifestes dont ils sont victimes.
Ali n’a que 16 ans lorsqu’il est déféré à la prison de N’Djamena pour abus de confiance : « Je suis resté en prison pendant sept mois, sans voir la juge une seule fois ! J’ai appelé mon père au téléphone. J’ai pleuré, je n’en pouvais plus. » Dans le cadre du projet ASF, un avocat est alors désigné pour venir en aide à l’adolescent. Il s’avère que le dossier d’Ali a tout bonnement disparu, lors de la mutation des magistrats compétents. Les démarches entreprises par l’avocat permettent finalement d’obtenir sa libération.
Ce cas illustre l’absence de structures judiciaires ou sociales susceptibles de respecter pleinement les droits des mineurs au Tchad. « La loi n’est pas sévère à l’égard des mineurs qui commettent des infractions. Mais comme il n’y a pas assez de centres d’accueil, nous sommes obligés de les mettre en prison », reconnaît un Juge des Enfants. Les mineurs sont incarcérés avec les adultes. « Ici, pas de réinsertion, pas d’éducation, pas d’instruction », résume le greffier de la prison de N’Djamena.
« Dans le cadre du projet, après avoir examiné les dossiers des 86 mineurs détenus dans la prison de N’Djamena, nous avons obtenu la libération pour trois quart d’entre eux ! » se réjouit Coralie de Lhoneux, avocate ASF au Tchad. « Sept autres mineurs ont enfin été jugés. Pour les autres, les dossiers de procédure sont à présent suivis de près par la juge et le procureur. »
Face aux dysfonctionnements du système judiciaire qui par ailleurs, s’affronte aux règles coutumières toutes-puissantes au Tchad, des organisations de la société civile tentent d’améliorer le sort des mineurs en difficulté mais elles manquent cruellement d’expertise et de moyens. « C’est pourquoi nous avons soutenu des centres d’accueil et d’hébergement car ces initiatives privées sont souvent l’unique recours quand il s’agit de trouver un toit pour les enfants en difficulté. Ainsi, 125 enfants ont pu être pris en charge par ces centres », précise encore l’avocate ASF.
ASF a fait appel aux Facultés Universitaires Saint Louis de Bruxelles pour réaliser un état de lieux participatif du secteur en début de projet, afin de sensibiliser tous les acteurs du secteur et de lancer une synergie autour du projet. La population a également été sensibilisée à la question des droits de l’enfant, et des formations ont été organisées pour tous les intervenants du secteur, pour améliorer la prise en charge des mineurs : police et gendarmerie, autorités traditionnelles, ONG, centres d’hébergement, et avocats.
« Les autorités judiciaires ont accueilli le projet favorablement et une aide ponctuelle a pu être apportée grâce au projet. Tout l’enjeu maintenant est de voir si les efforts entrepris seront poursuivis par les acteurs locaux pour que ces jeunes soient pleinement pris en charge », conclut Coralie de Lhoneux.