ExPEERience Talk #14 – Comment défendre le droit à la terre et aux ressources naturelles des peuples autochtones ? Analyses sur le marché du carbone au Kenya

  • Quand ? 18 avril 2024 – 7h (New York) / 12h (Tunis, Kinshasa) / 13h (Brussels) / 14h (Nairobi, Kampala)
  • Langue : Anglais
  • Webinaire en ligne gratuit – Inscriptions obligatoires

Ce Justice ExPEERience Talk abordera les enjeux liés au respect des droits des communautés autochtones à disposer de leurs terres et de leurs ressources naturelles, en se concentrant spécifiquement sur l’impact du développement du marché du carbone au Kenya sur les droits des populations locales. La récente reprise des expulsions du peuple Ogiek de la forêt Mau, malgré des décisions juridiques en leur faveur, nous rappelle toute l’importance de cette question pour les populations autochtones à l’heure du développement galopant du marché des crédits carbone.

  • Xanne Bekaert, assistante de recherche et professeure assistante à la Vrije Universiteit Brussel (VUB). Elle possède un Master en droit international et européen de la VUB et a fait de la recherche au Centre for Human Rights à Pretoria et à la Moi University au Kenya.
  • Daniel Kobei, fondateur et directeur du Ogiek Peoples’ Development Program,

La session sera modérée par Jim India du bureau régional Afrique de l’Est d’ASF.

Les communautés autochtones d’Afrique, notamment les Ogoni (Nigeria), les Endorois (Kenya) et les Ogiek (Kenya), sont depuis longtemps confrontées à d’importants défis concernant le respect de leurs droits à la terre et aux ressources naturelles. L’expulsion du peuple Ogiek de la forêt de Mau est une illustration frappante des menaces permanentes que les communautés autochtones subissent. Les projets de conservation de la nature et l’émergence des marchés du carbone s’ajoutent aux menaces préexistantes à leurs droits de jouir de leurs terres et de leurs ressources naturelles. Les négociations menées par les autorités kenyanes sur des accords d’exploitation de zones protégées pour le marché du carbone mettent encore plus en évidence le danger que le développement de ce marché constitue pour les populations autochtones et le respect de leurs droits.

En 2017, les Ogieks ont remporté une victoire historique face au gouvernement kenyan qui avait commencé à les expulser de force de leurs terres ancestrales dans la forêt de Mau. La Cour africaine des droits de l’homme et des peuples a jugé qu’ils avaient le droit de vivre sur ces terres et que le gouvernement avait violé leurs droits en les expulsant. En 2022, la Cour a ordonné au gouvernement kenyan de verser des réparations à la communauté pour les souffrances causées par les expulsions forcées. Elle a également ordonné au gouvernement de consulter les Ogieks pour tout projet concernant leurs terres.

Mais malgré ces victoires devant les cours, le gouvernement kenyan a lancé une nouvelle campagne d’expulsion en novembre 2023, laissant des centaines de personnes sans domicile et sans possibilité de relogement.

Cette conférence vise à mettre en lumière la relation complexe entre le développement des marchés du carbone et les droits des populations autochtones au Kenya, et à tirer des leçons pour d’autres pays de la région et au-delà. En intégrant les perspectives des chercheurs universitaires et des représentant‧e‧s des communautés autochtones, l’événement cherche à contribuer aux discussions en cours sur la justice environnementale et les droits humains dans le contexte des efforts d’atténuation du changement climatique, ce qui est également de plus en plus central pour le travail d’ASF sur les entreprises et les droits humains.

  • Informer sur le contexte kenyan, en particulier en ce qui concerne la protection des droits des communautés autochtones et la justice environnementale, en analysant des événements récents tels que l’expulsion du peuple Ogiek de la forêt de Mau.
  • Examiner l’impact des marchés du carbone au Kenya, mais aussi potentiellement ailleurs en Afrique de l’Est, et l’interrelation entre la responsabilité de l’État et celle des entreprises.
  • Identifier les possibilités de protection et de promotion des droits des populations autochtones dans le cadre des initiatives du marché du carbone dans la région.

Défense de la défense : L’avocat‧e face au péril répressif

Cet article est basé sur une intervention de Bruno Langhendries, directeur de l’appui stratégique chez ASF, à l’occasion du congrès 2023 de la Conférence Internationale des Barreaux.

Poursuites judiciaires, harcèlement, intimidation, privation de liberté, et parfois, atteinte directe à l’intégrité physique. Partout à travers le monde, des avocat.e.s travaillant en faveur droits humains, de la société civile ou des populations en situation de vulnérabilité subissent menaces et agressions simplement parce qu’il.elle.s exercent leur profession.

C’est le triste constat que nous faisons avec nos partenaires partout où nous intervenons. Nos équipes font l’état d’attaques répétées et en augmentation contre les avocat.e.s, et plus globalement contre les défenseur.e.s des droits humains, dans un contexte global d’érosion de l’État de droit, de rétrécissement de l’espace civique et d’hypertrophie du pouvoir exécutif au détriment des appareils législatifs et judiciaires.

Les périls de l’avocat.e face au délitement de l’État de droit

Dans les contextes dans lesquels ASF travaille, l’avocat.e fait face à de multiples menaces :

  • D’une part, du harcèlement, des menaces et des intimidations, et dans de plus rares cas, des atteintes directes à l’intégrité physique émanant de représentant.e.s de l’autorité ou d’acteur.rice.s qui se disent issu.e.s de la société civile mais qui sont souvent très proches du pouvoir.
  • D’autre part, les avocat.e.s font l’objet de poursuites judiciaires et sont victimes de privation de liverté :
    • Dans le cadre de l’exercice de leur profession. Des législations liberticides sont mobilisées ou l’immunité dont est supposé bénéficier l’avocat.e est levée. La diffamation, la calomnie ou l’apologie du terrorisme sont alors les motifs privilégiés pour justifier les poursuites.
    • Dans le cadre de leur vie privée. Les avocat.e.s sont poursuivi.e.s pour des faits étrangers à leur profession.

Ces tactiques répressives sont mobilisées par les pouvoirs en place lorsqu’ils juge leurs intérêts menacés.

Les avocat.e.s se retrouvent la cible de ces attaques le plus souvent lorsqu’il.elle.s :

  • Défendent des membres de la société civile, d’opposant.e.s politiques et de personnes en situation de vulnérabilité, qui sont eux.elles-mêmes le plus souvent déjà victimes de la répression de l’État.
  • Dénoncent des pratiques répressives et arbitraires des agents de l’État.
  • Dénoncent des réformes dangereuses pour l’État de droit.

Le but des autorités est d’empêcher la défense de jouer son rôle de soutien de la société civile face au pouvoir exécutif, de décourager, d’isoler ceux et celles qui osent remettre en cause leurs pratiques.

ASF a fait triste le constat de multiples exemples qui illustrent très concrètement ces tendances.

En Tunisie, Maître Ayachi Hammani a été poursuivi pour avoir critiqué la Ministre de la Justice après la révocation arbitraire de plus d’une cinquantaine de juges.

Toujours en Tunisie, Maître Hayet Jazzar et Maître Ayoub Ghedamsi ont été poursuivis après avoir plaidé en faveur d’une victime d’actes de torture commis par des agents de police.

En République centrafricaine, en 2022, Maître Manguareka a été harcelé après avoir défendu en justice les intérêts d’un opposant du régime. Dans le pays, ce sont tou.te.s les avocat.e.s, et leur barreau, qui sont qualifiés d’ennemi de la paix par des groupuscules proches du pouvoir.

En Ouganda, Nicholas Opiyo, avocat spécialisée dans les droits humains, a été arrêté avec d’autres avocat.e.s et maintenu en détention plusieurs semaines. Dans un premier arrêté sans charge, il a ensuite été poursuivi pour blanchiment d’argent.

Au Burundi, ce sont 5 membres d’associations partenaires qui ont été arrêté.e.s et emprisonné.e.s pendant quatre mois, essentiellement parce qu’il.elle.s travaillaient avec Avocats Sans Frontières.

Il existe malheureusement tant d’autres exemples que nous pourrions citer.

Il est important de préciser que tous ces cas sont différents et s’inscrivent dans des contextes particuliers.

Cependant, dans tous ces pays, l’intensification de la répression à l’encontre des avocat‧e‧s, et plus largement, des défenseur‧e‧s des droits humains, va de pair avec le rétrécissement de l’espace civique que nous observons partout où nous travaillons.

Ce qu’il nous semble important de noter est que :

  • D’une part, ces persécutions envers les avocat.e.s vont de pair avec des répressions accrues envers les autres porteur.euse.s de voix, envers les défenseur.e.s des droits humains, qu’il.elle.s agissent dans un cadre professionnel ou en tant que citoyen.ne.
  • Ce rétrécissement de l’espace civique est le corollaire de la montée du populisme et de la remise en cause des principes de l’État de droit qui l’accompagne.

Ce rétrécissement de l’espace civique consacre le plus souvent l’hypertrophie du pouvoir exécutif au détriment des pouvoirs législatifs et judiciaires. Ce glissement vers des régimes plus autoritaires est souvent accéléré à travers le recours à l’état d’urgence, à l’état de siège ou à l’état d’exception qui sont souvent utilisées par les régimes en place pour imposer sur le long terme des mesures liberticides supposées temporaires. Celui-ci peut aussi survenir de façon plus brutale lors de coups d’État comme ce fut le cas récemment en Tunisie ou au Sahel.

Dans les pays dans lesquels ASF intervient, l’organisation met en œuvre des programmes en faveur de la défense des droits humains en partenariat avec la société civile et les Barreaux. 

ASF, en collaboration avec ses partenaires locaux.les, mobilise notamment les approches suivantes pour soutenir les avocat.e.s et les défenseur.e.s des droits humains :

  • Le développement de collectifs d’avocats et de défenseurs des droits humains pour qu’ils puissent faire valoir leurs droits collectivement et réagir rapidement en cas de menace.
  • La défense des avocat.e.s en cas de poursuites ou de privation de liberté. En cas de poursuites ou de privation de liberté, ASF appuie la défense des avocats, notamment en mobilisant les acteurs internationaux et en les poussant à agir.
  • Un monitoring des violations des droits humains et des menaces contre l’espace civique et les défenseur.e.s des droits humains, en ce compris les avocat.e.s. Á partir de ce moniroting notamment, ASF développe des stratégies de plaidoyer en faveur des libertés publiques et de la défense des défenseurs des droits humains et des avocat.e.s.

(Anglais) Accès aux recours pour les violations des droits humains en Afrique de l’Est : Leçons apprises lors de la Conférence sur les entreprises et les droits humains en Afrique de l’Est

Accès aux recours pour les violations des droits humains en Afrique de l’Est : Leçons apprises lors de la Conférence sur les entreprises et les droits humains en Afrique de l’Est

Justice ExPEERience, le réseau de promotion des droits humains lancé par ASF, fête ses deux ans

Il y a deux ans, Avocats Sans Frontières lançait Justice ExPEERience, un réseau pour la promotion des droits humains, ainsi qu’une plateforme en ligne du même nom afin de soutenir et de dynamiser ce réseau. Cet anniversaire est l’occasion pour nous de revenir sur l’historique et le mandat du réseau Justice ExPEERience et de sa plateforme. Un rapport sur ses deux premières années d’activité vient d’être publié, il aborde les évolutions de celui-ci depuis sa création, ses projets marquants mais aussi ses perspectives de développement.

Le réseau s’est largement étendu depuis son lancement en 2021. Il compte aujourd’hui plus de 600 membres travaillant dans 52 pays, sur les 5 continents. Le réseau veut créer davantage de lien entre les acteur‧rice‧s du secteur de la promotion de l’accès à la justice et des droits humains à travers le monde. L’objectif est qu’il‧elle‧s puissent partager des connaissances, renforcer leurs capacités et travailler sur des projets conjoints pour avoir plus d’impact.

La plateforme Justice ExPEERience a, elle aussi, été considérablement améliorée. En 2022, elle s’est notamment dotée d’une application mobile, téléchargeable sur tout smartphone. L’interface de la plateforme a également été traduite en langue arabe, qui vient s’ajouter aux langues déjà existantes, dont l‘anglais et le français. Des développements sont également en cours pour améliorer la fluidité, la rapidité et l’expérience utilisateur‧rice sur la plateforme Justice ExPEERience. 

Plusieurs communautés de pratique, coalitions ou groupes de travail ont également vu le jour sur Justice ExPEErience ces deux dernières années. Elles ont partagé de l’information et contribué aux échanges sur les espaces publics, mais ont également pu travailler et collaborer dans des espaces confidentiels pour développer collectivement des campagnes de plaidoyer, des projets de monitorings de violations de droits humains, ou encore des contentieux stratégiques.

(Anglais) Rapport Justice ExPEERience 2021-2023

Rapport Justice ExPEERience 2021-2023

Rapport Justice ExPEERience 2021-2023

Le bureau régional Afrique de l’Est

Cet article a été publié dans le rapport annuel 2022 d’ASF.

Ces dernières années, ASF a progressivement mis en place une approche régionale pour développer ses activités en Afrique de l’Est. Afin de soutenir ce développement de d’assurer l’implémentation d’une stratégie régionale impactante et cohérente, l’organisation a créé un bureau régional à Kampala en 2021. Il est actuellement composé de trois personnes, en plus du directeur régional et de directrice nationale pour l’Ouganda et des coordinateurs de programmes pour le Kenya et la Tanzanie.

Les pays d’Afrique de l’Est partagent des liens historiques, économiques, politiques, sociaux et culturels importants et sont de plus en plus intégrés. Dans ce contexte, des enjeux stratégiques du mandat d’ASF, telles que la gouvernance des ressources naturelles, la détention ou la sécurité et la liberté, peuvent concerner plusieurs pays. Les leçons tirées de la mise en œuvre de programmes dans un pays peuvent servir au développement d’actions dans d’autres contextes.

Depuis sa création, l’un des rôles clés du bureau régional a été de de créer du lien entre les différents programmes d’ASF, de compiler les enseignements et les connaissances acquises dans le cadre d’un programme pour les redistribuer stratégiquement afin d’optimiser l’action déployée dans le cadre des différents projets développés par ASF en Afrique de l’Est. Cela a permis de développer des synergies, tout en laissant de l’espace pour la contextualisation de chaque intervention.

En outre, la création de nouveaux rôles dédiés à des fonctions techniques spécifiques au sein de l’équipe régionale a permis à ASF d’améliorer l’appui méthodologique aux différentes équipes nationales, dans des domaines tels que la recherche, le suivi et l’évaluation, les litiges stratégiques et le plaidoyer.

L’une des priorités du Bureau régional est également d’identifier les opportunités de développement au niveau régional, y compris à travers la rédaction de projets multi-pays et régionaux. En mars 2022, ASF a lancé un projet de deux ans financé par la Coopération belge au développement (DGD) intitulé  » Protecting Civic Space : a Public Interest Litigation Approach « . Couvrant trois pays de la région, le projet vise à contribuer à l’avancement de l’État de droit en Afrique de l’Est en mobilisant la société civile autour des organes, mécanismes et instruments régionaux de traités relatifs aux droits humains.

Le Bureau régional entend continuer à renforcer la présence d’ASF au niveau régional en Afrique de l’Est. Que ce soit par le biais du plaidoyer, des litiges stratégiques ou de collaborations avec des acteur‧rice‧s locaux‧les ou régionaux‧les.

ASF au Kenya

Contexte général

Le Kenya est dans une phase de progression démocratique après des décennies de régime autoritaire et de violences politiques. Après les épisodes de violence post-électorale de 2007-2008, le Kenya a approuvé en 2010 une nouvelle constitution qui consacre l’une des chartes des droits les plus exhaustives et les plus progressistes de la région et du continent.

Depuis la fin du régime colonial britannique en 1963, le Kenya a connu des périodes de troubles politiques et de régimes autocratiques mais aussi de progrès démocratique. Le Kenya joue un rôle de premier plan dans la diplomatie régionale et l’intégration économique, en particulier au sein de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) et de l’Union africaine.

L’accès à la justice et l’État de droit

Au Kenya, accéder effectivement à la justice reste très difficile pour une grande partie de la population. Le secteur de la justice au Kenya a fait l’objet d’efforts de réforme importants ces dernières années : des mesures ont été prises pour améliorer l’indépendance du pouvoir judiciaire, la Commission nationale des droits humains et de l’égalité a été réformée et des réformes ont été engagées pour améliorer l’efficacité et la responsabilité de la police et du bureau du directeur des poursuites publiques (DPP).

Malgré ces réformes, le système de justice pénale reste caractérisé par d’importants pouvoirs discrétionnaires et un manque d’indépendance du pouvoir judiciaire, avec pour effet la favorisation de la criminalisation de la pauvreté et de la persécution des citoyen‧ne‧s. La majorité des détenu‧e‧s condamné‧e‧s au Kenya sont des petit‧e‧s délinquant‧e‧s et la confiance dans les tribunaux reste faible.

Le travail d’ASF au Kenya

Avec une population multiculturelle et dynamique d’environ 53 millions d’habitant‧e‧s, un paysage politique en évolution rapide et une économie forte, le Kenya joue un rôle central dans la région. C’est pourquoi ASF considère le développement de son action dans le pays comme essential pour permettre à l’organisation de promouvoir l’accès à la justice et les droits humains en Afrique de l’Est.

L’organisation prévoit de concentrer sont accès dans plusieurs domaines clés au Kenya :

  • L’accès à la justice : ASF peut fournir une aide juridique aux personnes qui n’en ont pas les moyens, notamment les victimes de violations des droits humains, les groupes marginalisés et les personnes en détention.
  • Surveillance des droits humains : ASF prévoit de surveiller la situation des droits humains au Kenya et de promouvoir l’accès aux recours.
  • Plaidoyer : ASF milite pour la protection des droits humains au Kenya, notamment par le biais d’un plaidoyer direct auprès du gouvernement et d’une sensibilisation du public.