Lashio (nord-est du Myanmar), le 17 février 2015 – Au Myanmar, la notion d’« État de droit » est souvent utilisée, mais rarement comprise. Dans ce pays qui émerge de plus de 50 ans de dictature militaire, le besoin d’éducation à la justice est incontestable. ASF et ses partenaires y organisent des formations dans le cadre d’un projet pilote de « Centre pour l’État de droit », financé par le Programme des Nations Unies pour le développement.
« Comment cela s’inscrira-t-il dans la durée ? » a demandé Ji Mai (photo ci-dessous) lors de la première réunion du projet à Lashio, une petite ville située non loin de la frontière chinoise. Cette militante communautaire du groupe ethnique Kachin, désormais administratrice du projet, a apprécié le cursus de trois mois développé par les formateurs ASF Jake Stevens et Helen Yandell, des juristes bénévoles venus des quatre coins de la planète, et d’autres partenaires nationaux et internationaux. Elle voulait toutefois s’assurer que le programme ˗ traitant des principes de l’État de droit, de la législation du Myanmar et du développement de compétences ˗ et les forums communautaires destinés à identifier les questions juridiques pertinentes pour la population, permettraient de susciter un changement durable.
Depuis lors, quelque 80 juristes et représentants de la société civile, à Lashio et dans la ville de Mandalay, se sont emparés de ces questions et d’autres. Les méthodologies interactives utilisées lors de la formation visent à une meilleure appropriation du contenu par les participants, mais aussi à développer leurs aptitudes analytiques. Un véritable défi en raison de la faiblesse du système éducatif du Myanmar et de l’héritage laissé par 50 années de régime militaire. Ancien éducateur en prévention VIH, le chef de projet Soe Moe Kyaw (photo ci-contre), explique : « Nous sommes habitués à écouter passivement des discours. Poser des questions ou y répondre peut nous paraître très agressif. » Un défi relevé haut la main, puisque de nombreux participants ont manifesté le souhait d’intégrer ces méthodologies interactives dans leur propre travail, qu’il s’agisse de formations pour la société civile ou de l’accompagnement de jeunes avocats. Ils ont aussi grandement apprécié le contenu du cursus, comme les aspects liés à la résolution alternative des conflits, à l’égalité devant la loi ou aux simulations de procès.
Durant les sessions de formation, les forums publics et les réunions d’information sur le projet, beaucoup ont exprimé le désir d’impliquer des acteurs gouvernementaux à la démarche. Sai Kyaw Tun, de l’organisation Meikswe Myanmar (active dans la santé et l’éducation), raconte : « Nous avons besoin d’ateliers de ce genre dans d’autres communautés afin que les gens comprennent leurs droits. Mais nous devons aussi avoir des forums communs avec la police, les juges et les fonctionnaires gouvernementaux, pour améliorer notre compréhension mutuelle. » De la même manière, des responsables d’organisations LGBT ont demandé une assistance pour concevoir des stratégies permettant d’informer le public et le gouvernement de leurs préoccupations sans déclencher une nouvelle répression policière contre leurs membres. Les acteurs gouvernementaux devraient ainsi être inclus dans une seconde phase du projet.
Le projet actuel sur l’État de droit consiste en réalité en deux activités liées et complémentaires : une série de 42 sessions de formation s’étalant sur 3 mois, et des forums communautaires ouverts. À Lashio, les sujets traités lors des forums comprenaient la lutte contre la discrimination, la promotion de l’éducation juridique au niveau des communautés et la gestion de la toxicomanie. La synergie entre les deux piliers du projet a été manifeste. Les participants rapportent leurs connaissances et compétences fraîchement acquises dans leur communauté et sur leur lieu de travail, dans le but d’appliquer les principes de l’État de droit au quotidien, dans cette période cruciale pour le développement du Myanmar.