Portraits partenaires 2/4 : Ghislain Lukambo

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<<< Lire le portrait de Marceline Avocats Sans Frontières, présent en République Démocratique du Congo depuis 2002, ne saurait agir sans ses partenaires, et c’est la raison pour laquelle nous leur laissons la parole aujourd’hui. Ces femmes et ces hommes nous ont parlé de leur quotidien, de leurs réalités et de leurs convictions. À travers une série de portraits, nous vous proposons donc de rencontrer les figures qui incarnent la Commission Diocésaine Justice & Paix de Boma, la Ligue Congolaise contre la Corruption et les Réseaux d’Observateurs. Toutes et tous travaillent dans la province du Kongo central et, plus particulièrement, dans la zone côtière de Muanda, dans le cadre du projet « Placer les intérêts des populations locales au cœur de la gestion des ressources naturelles : transparence, redevabilité et protection des droits » (plus d’informations en bas de page). Aujourd’hui, c’est Ghislain Lukambo qui prend la parole pour nous parler de son combat au sein de la Ligue Congolaise contre la Corruption (LICOCO). Il nous parle de ce qui l’a poussé à s’engager dans la lutte contre la corruption, phénomène endémique dans le secteur des ressources naturelles, et de l’importance que tous les membres des communautés, sans distinction de genre, puissent faire entendre leur voix. Ghislain : changer une justice congolaise trop ancrée dans la corruption Quand je suis devenu avocat, j’ai commencé à exercer au sein du barreau du Kongo central. Je me suis vite rendu compte que notre justice est ancrée dans certaines pratiques négatives qui désavantagent ceux qui peuvent avoir raison mais n’ont que peu de moyens au profit de ceux qui n’ont pas raison mais qui ont du pouvoir. Cette lutte est d’abord, pour moi, personnelle. Mais, comme combattre seul n’est pas efficace, j’ai décidé d’intégrer la Ligue Congolaise contre la Corruption, LICOCO. La LICOCO est une ONG qui a pour objectif principal de créer une société plus saine où les antivaleurs seront bannies, mises de côté au profit d’un bien-être sociétal qui avantage tout le monde. Nous militons pour un État de droit qui permette à chacun de s’exprimer selon ses motivations. Nous estimons que celui qui a raison, dans un litige précis, doit pouvoir aller devant les cours et tribunaux pour que justice soit faite. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Nous avons une justice qui fonctionne à « deux poids, deux mesures », et dont la balance penche toujours au profit de la partie économiquement forte. Alors nous, la LICOCO, nous voulons aider toutes les communautés marginalisées. Nous voulons aider toutes les communautés marginalisées et, dans ce secteur, il y en a beaucoup. Ces communautés méritent une justice plus saine ! Il y a beaucoup de pratiques d’antivaleurs au Kongo central, elles sont dures à combattre, alors il faut avancer à pas de tortue. Mais des pas de tortue, c’est quand même avancer. Le problème auquel nous devons faire face est que le peuple congolais continue à croire que ces antivaleurs sont un mode de vie, alors que c’est faux. La bonne gouvernance, l’État de droit, ça se base sur une société qui n’entretient pas une classe aisée et ignore une classe marginalisée, qui s’appauvrit et souffre. Et pourtant, vous le savez comme moi, c’est dans une société comme cela que nous évoluons. Prenons l’exemple de la cité côtière de Muanda. C’est une cité qui longe l’océan Atlantique et dispose de beaucoup de ressources naturelles, comme le pétrole. Dans bien des cas, les cités qui regorgent de pétrole sont plus développées que les autres parce que les sociétés qui exploitent dans la zone ont un impact positif sur le vécu quotidien des habitants. Mais allez donc à Muanda… vous allez vous rendre compte que les communautés, alors qu’il y a du pétrole dans leurs sols, n’ont presque rien. Quelques villages seulement sont éclairés alors que l’extraction de brut dans leur région est quotidienne. À Muanda comme ailleurs, nous devons aussi parler des femmes. Les femmes sont à la base de beaucoup de choses et, si elles ne connaissent pas leurs droits, nous n’aurons pas une vraie société saine. Car toute société qui ne se fonde que sur les hommes est une société morte. Si nous n’arrivons pas à associer la femme dans la gestion du quotidien, des ressources naturelles et partout ailleurs, alors nous n’aurons rien fait de bon. Il faut donc qu’on puisse redoubler d’efforts et continuer à avancer, même à pas de tortue ! [rires] Je suis certain et conscient que l’impact généré par l’exploitation des ressources naturelles, actuellement, ne profite qu’à une frange de la population et non à tous les habitants. Nous avons choisi de travailler avec ASF parce que nous avons le même combat : pousser toutes ces communautés à comprendre et connaître leurs propres droits, puis à les revendiquer. Ça va prendre du temps mais, ensemble, nous pouvons le faire.
L’objectif général du projet est de contribuer à la gestion transparente des ressources naturelles dans le respect des droits humains. Plus spécifiquement, il vise à soutenir l’implication et la participation des populations concernées en vue (i) d’assurer la transparence des processus de gestion des ressources naturelles et la lutte contre les pratiques corruptives et (ii) la protection et la réalisation de leurs droits dans ce cadre. En consolidant le pouvoir d’agir des populations locales afin que celles-ci soient en mesure de jouer pleinement leur rôle dans les processus de gestion des ressources naturelles et en accompagnant ces populations en vue de garantir la protection de leurs droits, le projet participe à l’émergence des conditions essentielles en vue d’un développement inclusif, durable et respectueux des droits humains.
Photos et entretien : Camille Burlet