Requête en occupation inconstitutionnelle des sièges à l’Assemblée Nationale

Reference

RCCB213

Country

Burundi

Database

Civic Space

Date of ruling

August 5, 2008

Crimes/ violations

Freedom of Association, Freedom of expression

Parties impliquées

Le Président de l’Assemblée Nationale

Résumé du jugement

Question juridique

Un député ou un sénateur qui démissionne de son parti ou qui en est exclu au cours d’une législature perd-t-il, de ce fait, son siège à l’Assemblée Nationale ou au Sénat?

Décision

La Cour décide que les 22 députés occupent de manière inconstitutionnelle leurs sièges à l’Assemblée Nationale.

Raisonnement de la Cour

La Cour indique d’abord que les députés concernés ont été élus sur base des listes présentées par un parti politique pour siéger à l’Assemblée Nationale. Elle poursuit en notant que ces personnes ne figurent plus sur la liste du parti politique qui les avait présentés, soit parce qu’ils ont été exclus, soit parce qu’ils ont démissionné volontairement tel que le témoigne le procès verbal du 28/01/2008 du parti CNDD-FDD. Partant du fait que c’est à ce titre que ces députés avaient été élus et occupaient les sièges à l’Assemblée Nationale, la Cour en conclut que ces députés ne remplissent plus cette condition constitutionnelle.

Résumé des faits

Les vingt-deux (22) députés exclus de l’Assemblée Nationale avaient été élus pour le compte du CNDD-FDD en 2005 pour la législature 2005-2010. Au cours de cette législature, certains d’entre eux ont démissionné du CNDD-FDD, d’autres en ont été exclus. Le motif de ces démissions et/ou exclusions était leur divergence d’opinion avec le parti sur les questions d’intérêt national. Ces députés ne votaient plus inconditionnellement pour le CNDD-FDD à l’Assemblée Nationale. Le parti perdait, de ce fait, sa majorité parlementaire qui lui permettait auparavant de faire passer tout texte de loi. Cette situation poussera le CNDD-FDD à chercher toute solution pour écarter ces 22 députés, les faire remplacer par leurs suppléant et ainsi reconquérir sa majorité à l’Assemblée Nationale.

Résumé de la procédure

L’affaire RCCB213 trouve son origine dans la situation de blocage qu’a connu l’Assemblée Nationale au cours de la période 2007-2008. Cette période était caractérisée par des désaccords entre les partis représentés au gouvernement et les celles au sein des partis politiques. Cette crise sera exacerbée par les conséquences des congrès du CNDD-FDD des 07 février 2007 et 26 janvier 2008. Au lieu d’envisager la solution par dialogue politique, le Parti au pouvoir (CNDD-FDD) opta pour la voie judiciaire. En date du 23 mai 2008, le Président du CNDD-FDD écrit au Président de l’Assemblée Nationale une lettre ayant pour objet “Pourvoi de certains sièges du CNDD-FDD et l’Assemblée Nationale” et porte à sa connaissance que les députés dont les noms figuraient sur la liste en annexe n’étaient plus membres du CNDD-FDD. Le 30 mai 2008, le Président de l’Assemblée Nationale adresse une correspondance au Président de la Cour constitutionnelle ayant comme objet : “Requête en occupation inconstitutionnelle des sièges à l’Assemblée Nationale” sur base des articles 98 et 169 de la Constitution.

Éléments jurisprudentiels clés

La décision de la Cour est un très mauvais précédent pour trois raisons principales. En premier lieu, elle rend les députés et sénateurs dépendants de leurs partis politiques d’origine puisqu’ils n’ont plus désormais le courage de se démarquer d’une position de leur parti d’origine de peur d’en être exclus et perdre, par conséquence, leurs sièges à l’Assemblée Nationale ou au sénat. En deuxième lieu, la décision de la Cour constitue une remise en cause du caractère national du mandat des députés et sénateurs qui était consacré par l’article 149 de la Constitution. Enfin, la décision de la Cour dans cette affaire rend substantiellement difficile le contrôle de l’action gouvernementale par l’Assemblée Nationale lorsque cela n’est pas dans l’intérêt du parti au pouvoir et majoritaire à l’Assemblée.