Le rapport annuel d’ASF est disponible !

L’équipe d’Avocats Sans Frontières est ravie de pouvoir vous présenter son dernier rapport annuel.

Que de chemin parcouru depuis la création d’ASF en 1992 par des avocat.e.s belges. Durant ces 30 années, ce sont des centaines de personnes qui ont contribué à faire évoluer l’organisation pour qu’elle devienne ce qu’elle est aujourd’hui : une organisation militante active dans une dizaine de pays qui œuvre pour la promotion de l’accès à la justice et d’un État de droit fondé sur les droits humains en étroite collaboration avec des acteur.rice.s locaux.les.

Ces trente années d’action, les ancrages locaux que nous avons développés et les liens que nous avons tissés avec des défenseur.e.s des droits humains des quatre coins du monde nous donnent beaucoup de force et de confiance pour envisager l’avenir et poursuivre le déploiement d’une action impactante au service des populations en situation de vulnérabilité (femmes, enfants, communauté LGBTQI+, minorités ethniques, personnes en situation de détention, personnes en situation de migration, etc.).

Mais les défis sont nombreux. Partout à travers le monde, les organisations de la société civile et les défenseur.e.s des droits humains font face à des évolutions et des tendances inquiétantes : montée des autoritarismes, rétrécissement de l’espace civique, défiance croissante des populations envers les institutions, tensions sociales exacerbées, etc.

Les défenseur.e.s des droits humains et de l’accès à la justice doivent travailler dans des contextes qui leur sont de plus en plus hostiles. Les notions mêmes de droits humains et d’État de droit sont remises en question. Les activistes, les avocat.e.s et les journalistes qui œuvrent pour la défense des droits fondamentaux des populations en situation de vulnérabilité sont de plus en plus systématiquement visés par des politiques répressives illibérales.

Chaque page de ce rapport témoigne de la vigueur de la flamme qui anime celles et ceux qui s’engagent pour maintenir les droits humains au cœur même de nos sociétés, au risque et au péril de leur propre liberté. Ce rapport est un hommage à chacune et chacun d’eux.elles.

Portraits de partenaires 4/4 : Les Réseaux d’Observateurs

Avocats Sans Frontières, présent en République Démocratique du Congo depuis 2002, ne saurait agir sans ses partenaires, et c’est la raison pour laquelle nous leur laissons la parole aujourd’hui. Ces femmes et ces hommes nous ont parlé de leur quotidien, de leurs réalités et de leurs convictions. À travers une série de portraits, nous vous proposons donc de rencontrer les figures qui incarnent la Commission Diocésaine Justice & Paix de Boma, la Ligue Congolaise contre la Corruption et les Réseaux d’Observateurs.

Toutes et tous travaillent dans la province du Kongo central et, plus particulièrement, dans la zone côtière de Muanda, dans le cadre du projet « Placer les intérêts des populations locales au cœur de la gestion des ressources naturelles : transparence, redevabilité et protection des droits » (plus d’informations en bas de page).

Grâce à ce projet, ASF a contribué à la création et à la revitalisation de réseaux d’observateurs. Ils sont indépendants d’ASF et sont gérés de manière autonome par leurs membres. ASF collabore avec ces réseaux pour renforcer les capacités d’action des populations impactées par les activités des entreprises extractives.

Ces réseaux sont composés de représentant·e·s des villages/communautés nommés par les communautés car ils et elles sont particulièrement engagé.e.s et volontaires. Ils ont pour objectif d’assurer la participation des populations locales dans les processus de gestion des ressources naturelles et de s’assurer que les activités et/ou processus sont transparents et respectent les droits humains. Pour accomplir ces objectifs, les membres du réseau suivent, collectent, documentent, d’une manière continue, les potentiels cas des pratiques corruptives et les différentes violations perpétrées par les acteurs privés et/ou publics impliqués dans l’exploitation des ressources naturelles au niveau de leurs villages. Sur base des données collectées, avérées et vérifiées, les membres des réseaux engagent des processus de dialogue et de concertation avec les autorités locales, les représentants des populations concernées et les porteurs de responsabilités en vue de promouvoir la gouvernance participative dans la gestion des ressources naturelles.

Aujourd’hui, nous partons à la rencontre des membres des réseaux de la région de Muanda. Nous leur avons, à tous·tes, posé la même question : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots et nous expliquer pourquoi vous faites partie d’un réseau d’observateur·rice·s ?

Jeanne* : Je m’engage pour les filles et les mamans de mon village

J’habite le village Muanda. Je tiens un commerce et je travaille avec des « maréeuses », des femmes qui vivent avec la marée, qui transforment les poissons pêchés. Dans ma coopérative, j’emploie 3 hommes et 28 femmes. Nous faisons du poisson frais, du poisson salé, du poisson fumé… C’est dur d’être une femme et d’être à la tête d’un commerce, il faut changer sa manière de travailler, et beaucoup s’adapter. Dans le domaine de la transformation des produits de la pêche, nous avons beaucoup de problèmes. Nous n’avons pas vraiment de point de vente, parfois nous travaillons et c’est impossible de vendre, et comme nous n’avons pas de moyens de conserver, et bien… c’est dur. Mais c’est très important que des femmes deviennent fortes et tiennent des commerces.

Aujourd’hui, au Congo, les mamans ne sont pas considérées, alors que nous devrions, nous toutes, les femmes, nous impliquer partout, dans les villages, les sociétés, les rassemblements, c’est important. Et c’est pour ça que j’ai accepté de devenir observatrice dans mon réseau quand les chefs traditionnels m’ont proposé. J’ai choisi de défendre l’intérêt de ma communauté, et surtout celui de toutes les filles et de toutes les mamans.

François* : Je m’engage pour les pêcheurs

La pêche, avant, était le métier le plus accessible. Nos communautés vivent principalement de l’agriculture et de la pêche, encore aujourd’hui. Nous pratiquons la pêche artisanale, dans de petits bateaux, avec des lignes et des filets. Mais la pêche devient de plus en plus dure… Parfois, les bateaux des entreprises endommagent nos filets lorsqu’ils naviguent, et même si nous essayons de faire remonter les incidents, les délais sont interminables et, pendant ce temps, les gens ne peuvent plus pêcher, parce que la réparation du matériel a un coût. En plus, même quand les réparations financières nous parviennent, l’argent passe par un circuit très compliqué. Dans les circuits, il y a des tuyaux, et les tuyaux ce n’est pas toujours très étanche, surtout quand il s’agit d’argent, alors il y a beaucoup de fuites entre le départ et l’arrivée.

Un autre de nos problèmes, ce sont les zones de sécurités. Les entreprises qui exploitent les ressources naturelles de la mer ont délimité des zones dans lesquelles nous n’avons plus le droit d’entrer ou de pêcher. Sauf qu’il y avait des espèces que nous pêchions dans ces zones, et comme nous n’y avons plus accès, nous devons aller plus loin sur l’océan, et les risques et les coûts sont plus élevés, parce que les vagues sont plus fortes et que nous devons payer des bateaux plus solides. D’autres fois, il y a des poissons morts dans nos filet et l’eau ne sent pas bon. Et je pourrais aussi parler des problèmes avec les bateaux étrangers qui viennent faire de la pêche en grande quantité et qui épuisent tout le poisson… Alors, comme je fais partie de la coopérative de pêche, j’ai accepté de représenter mon village dans le réseau pour pouvoir aider les villageois à continuer de vivre de leurs activités, surtout les pêcheurs.

Dominique* : Je m’engage pour notre avenir, pour notre terre

J’ai été témoin de beaucoup de choses, et c’est pour cela que j’ai tout de suite accepté de faire partie du réseau de mon village quand on m’a désigné. Je peux vous donner un exemple. Avant, les torchères – systèmes pour brûler les gazs dégagés lors de l’extraction de pétrole brut – étaient de grands tuyaux qui allaient dans le ciel et brûlaient tout le temps. Aujourd’hui, les torchères sont au niveau du sol, voire même en dessous, puisqu’elles sont installées dans des trous creusés exprès. Le problème, c’est que quand il pleut, les trous se remplissent d’eau et l’eau va éteindre le gaz qui brûle. Alors ce gaz, il va se dissoudre dans l’eau, et quand l’eau va déborder du trou, tout ce mélange va se déverser dans nos rivières et dans nos champs. Il faut donc être très attentif pour signaler rapidement quand une torchère est noyée, sinon il y aurait de grands dégâts dans la nature.

Parfois, il y a aussi des fuites de brut, dans les rivières, dans les champs… et là aussi il faut être très attentif. D’abord, il faut prévenir qu’il y a une fuite, puis la procédure pour obtenir des réparations pour les dommages subis est très compliquée et, si on ne fait pas attention, il y a beaucoup d’argent qui se perd en route. Alors être membre d’un réseau, ça me permet d’être appelé·e par les villageois quand ils ont des problèmes, des questions, et de les accompagner comme je connais bien les règles et les procédures. Nous surveillons ce qu’il se passe autour de nous, pour sauvegarder nos champs, nos rivières, notre nature et notre futur, pour nous et pour que nos enfants eux aussi puissent profiter de nos champs fertiles et de nos cours d’eau pleins de poissons.

Avant, je défendais ma communauté mais je n’avais pas beaucoup de connaissances. Grâce à Avocats Sans Frontières et aux formations proposées, on ne parle plus seulement de « ressources naturelles », on va plus loin dans le sujet. Je ne connaissais qu’un peu le domaine des hydrocarbures, aujourd’hui je le connais bien, je comprends mes droits, et je comprends aussi les enjeux des forêts, des rivières, des champs… Je me sens de plus en plus capable de représenter et de soutenir les gens de mon village, et ça me fait plaisir, pour moi, pour eux, pour notre terre.

*Les noms des observateurs ont été modifiés pour respecter leur anonymat.

L’objectif général du projet est de contribuer à la gestion transparente des ressources naturelles dans le respect des droits humains. Plus spécifiquement, il vise à soutenir l’implication et la participation des populations concernées en vue (i) d’assurer la transparence des processus de gestion des ressources naturelles et la lutte contre les pratiques corruptives et (ii) la protection et la réalisation de leurs droits dans ce cadre.

The overall objective of the project is to contribute to the transparent management of natural resources in accordance with human rights. More specifically, it aims to support the involvement and participation of concerned populations in order to (i) ensure the transparency of natural resource management processes and the fight against corrupt practices and (ii) protect and realise their rights in this framework.

The project contributes to the emergence of the essential conditions for an inclusive, sustainable and human rights-based development. It does so by empowering local populations so that they are fully able to play a role in the natural resource management processes, as well as accompanying them in order to guarantee the protection of their rights.

Photos and interview: Camille Burlet

 

Accès à la justice au Tchad: la société civile se mobilise

N’Djamena, le 3 décembre 2015 – Malgré les réformes engagées ces dernières années en matière de justice, la population tchadienne rencontre encore de nombreux obstacles pour accéder à la justice. Face à cette situation, les organisations de la société civile (OSC) se mobilisent afin de donner une assistance juridique. Avocats Sans Frontières (ASF) soutient trois de ces OSC dans leurs efforts pour protéger les droits humains.

La population tchadienne connait mal ses droits, surtout en dehors des villes. Les règles coutumières restent très puissantes. Les avocats sont peu nombreux (174 avocats pour une population de 11 millions d’habitants). Ces derniers étant presque tous basés dans la capitale N’Djamena, la majorité des Tchadiens ne peut pas faire recours à leurs compétences pour faire valoir leurs droits.

Face à cette situation, les OSC se sont mobilisées depuis plusieurs années. « Nous faisons le travail des services publics qui sont quasi inexistants: sensibiliser les citoyens à leurs droits, proposer des conseils juridiques gratuits, une assistance devant les tribunaux, ou encore des services de médiation », explique Marthe Dorkagoum. Cette magistrate est membre du bureau exécutif et chargée des relations publiques de l’Association des Femmes Juristes du Tchad (AFJT), l’une des trois OSC partenaires du projet « Améliorer l’accès à la justice des personnes en situation de vulnérabilité au Tchad » avec ASF.

Les besoins sont énormes. « Nos juristes et parajuristes s’occupent des laissés pour compte, surtout les femmes qui ignorent leurs droits en matière de succession ou subissent de graves violences conjugales », témoigne Oyal Ngarassal, qui préside une autre OSC partenaire, le Public Interest Law Center (PILC). « Un moment donné, ces personnes en ont ras le bol de souffrir, elles font le pas et viennent nous voir pour défendre leurs droits ».

Dans le cadre du projet, ASF donne un appui technique aux OSC, notamment par des ateliers d’échange de formation. Récemment, les trois organisations partenaires ont participé à un atelier consacré aux techniques de communication. « Comment expliquer aux maris que nous ne sommes pas là pour soulever leurs femmes contre eux mais bien pour faire respecter leurs droits fondamentaux ? Oui, bien communiquer est crucial dans notre travail », estime Oyal Ngarassal. Marthe Dorkagoum confirme : « Les populations mais aussi les autorités locales doivent mieux connaître ce  que nous faisons ».

Vice-Président de l’Association pour la Promotion des Libertés Fondamentales au Tchad (APLFT), Ali Mbodou apprécie ces ateliers : « Pour nous, c’est un plus. C’est un partage d’expérience. »

Outre ce soutien technique, ASF donne un soutien financier afin que les OSC assurent des services d’aide juridique et d’assistance judiciaire à la population – en particulier aux femmes, aux enfants et aux personnes en détention.

L’AFJT, l’APLFT et le PILC mènent des activités complémentaires et couvrent des zones géographiques différentes. Ensemble, elles comptent plus de 500 juristes et parajuristes. Dans le cadre du projet d’ASF, 30.000 personnes ont déjà été sensibilisées à leurs droits, 2.000 ont reçu un conseil juridique et 200 ont bénéficié de l’assistance d’un avocat.

Le projet d’ASF « Améliorer l’accès à la justice des personnes en situation de vulnérabilité au Tchad » se poursuit jusqu’en mai 2016, avec le soutien de l’Union européenne.

Photos: Trois organisations de la société civile tchadienne se mobilisent pour assurer des services d’aide légale à la population. Photo de couverture (de g. à d.): Oyal Ngarassal du Public Interest Law Center, Ali Mbodou de l’Association pour la Promotion des Libertés Fondamentales au Tchad, et Marthe Dorkagoum de l’Association des Femmes Juristes du Tchad. N’Djamena, novembre 2015 © ASF/G. Van Moortel

Les partenariats ASF : clé de voute du changement durable

Bruxelles/Bujumbura, le 1er juillet 2015 – Dans un contexte de sérieuse crise politique, ASF et ses partenaires continuent de travailler en faveur d’un accès à la justice pour tous au Burundi. Ainsi, ASF et le Barreau près la Cour d’appel de Bujumbura ont tout récemment signé une convention qui renouvelle et encadre leur partenariat jusqu’en 2021. La signature de cette convention symbolise l’esprit de complémentarité qui fonde les relations entre ASF et ses partenaires dans ses pays d’intervention.

Suite à la déclaration de candidature du Président de la République aux prochaines élections présidentielles (prévues le 15 juillet prochain), le Burundi connaît depuis plusieurs semaines une crise politique profonde Cette situation d’exception ne signifie pour autant pas la fin des besoins de la population en matière d’accès à la justice, bien au contraire.

Ainsi, ASF et le Barreau près la Cour d’appel de Bujumbura viennent de signer une convention posant le cadre d’un partenariat privilégié en faveur d’un meilleur accès à la justice pour tous au Burundi.

« Notre partenariat se fonde sur un esprit d’indépendance à l’égard des gouvernements et des groupes politiques, ainsi que sur le respect mutuel de la diversité des cultures, valeurs, croyances et opinions. », explique Céline Lemmel, Chef de mission ASF au Burundi.

Cette convention formalise une collaboration de plus de dix années dans la délivrance de services en faveur d’un meilleur accès à la justice. « C’est bien plus qu’une convention de principe. Concrètement, ASF et le Barreau ont ensemble mis en place des services de consultation juridiques et d’assistance judiciaire gratuits en faveur des personnes particulièrement vulnérables au Burundi », précise la Chef de mission. En 2014-2015, plus de 7.700 personnes ont ainsi pu bénéficier d’une aide leur permettant de faire valoir leurs droits.

Pour Maître Salvator Kiyuku, Bâtonnier du Barreau près la Cour d’appel de Bujumbura, ce partenariat, c’est avant tout une question de crédibilité: « ASF a une grande expertise internationale en matière de formation en assistance légale. C’est donc un partenaire fiable et le partage de cette expérience nous fait gagner beaucoup de temps ».

Malgré la situation pré-électorale extrêmement tendue qui règne à Bujumbura et dans certaines provinces du pays, les deux partenaires continuent d’œuvrer pour le respect des droits de tous les justiciables.

Au Burundi comme ailleurs, ASF et ses divers partenaires – barreaux, organisations de la société civile, institutions publiques – collaborent sur un pied d’égalité pour l’accomplissement d’objectifs concrets.

« Nous envisageons le partenariat comme une relation de confiance et de complémentarité. ASF vient compléter en quelque sorte nos compétences de manière à ce que nous soyons en mesure d’accomplir notre mission en faveur des justiciables », confirme Maître Kiyuku.

Pour la période 2014-2015, ASF a des partenariats en cours avec 30 organisations sur le terrain dans une douzaine de pays d’intervention. Autant d’accords fondés sur les principes de renforcement mutuel entre ASF et ses partenaires et qui contribuent à un changement durable pour une justice accessible, efficace et efficiente.

Photo: ASF et le Barreau près la Cour d’appel de Bujumbura: un partenariat durable ©ASF 2015

Myanmar: les « pro bono » en action

Myanmar, le 27 avril 2015 – Le projet pilote de Centres pour l’état de droit est maintenant terminé. Ce projet vise à renforcer les compétences des professionnels du droit et de la société civile en matière justice, ainsi qu’à les encourager à intégrer les principes de l’état de droit dans leur travail. Sept experts légaux, membres de l’International Legal Network (ILN) d’Avocats Sans Frontières, ont accepté de servir bénévolement cette cause.

Sept membres de l’ILN – les « pro bono », comme les surnommaient affectueusement les membres de l’équipe en charge du projet – ont eu l’occasion de participer à la mise en place du projet pilote de Centres pour l’état de droit au Myanmar. Venus des États-Unis, du Royaume-Uni, d’Australie ou encore de France, les membres de l’ILN ont partagé leur expertise en matière de droit pénal, de droit de la famille, de droit administratif, de droit international et de droits de l’homme. Ils ont mis leurs connaissances au service l’équipe de projet, composée de formateurs nationaux et internationaux, en vue de concevoir un programme, de développer des modules de formation et d’accompagner les activités de sensibilisation auprès des communautés.

« Lors de mon premier jour, on m’a demandé de travailler avec une formatrice nationale, Nway Nway, afin de passer en revue le projet de cursus qu’elle avait préparé », raconte Larissa Dinsmoor (photo de couverture), avocate en Californie « Nous nous sommes assises l’une en face de l’autre pour discuter de la manière dont les informations seraient communiquées aux autres. Même si nous venions à peine de nous rencontrer, nous nous sommes tout de suite senties à l’aise et il y avait un véritable respect mutuel entre nous. J’ai appris d’elle et elle a appris de moi. Au final, nous avons fait du bon travail ». Larissa était basée à Lashio, une ville pluriethnique dans le nord-est du Myanmar. Le projet pilote se déroulant sur une courte durée, une pression immense pesait sur les épaules des membres de l’équipe : il fallait en peu de temps préparer des cours et produire des documents de formation de qualité. Larissa se rappelle : « Nous avons tous travaillé les uns avec les autres et nous avons bénéficié de l’expérience, des connaissances et de la vision de chacun. Les avocats internationaux et ceux du Myanmar ont formé un groupe soudé, ce qui nous a permis de faire la différence », précise Larissa. Mais elle nous confie avec un clin d’œil : « Mon meilleur souvenir, ce sont les éclats de rire. Malgré les innombrables heures de travail pour rédiger, réviser et mettre en place le programme, les membres de l’équipe ont toujours gardé le sourire et leur joie de vivre. Une telle atmosphère renforce les liens. »

Claire Fenton-Glynn, membre de l'ILN © ASF
Claire Fenton-Glynn, membre de l’ILN © ASF

L’un des enjeux importants du projet était de garantir l’engagement sans faille de l’équipe du Myanmar et des participants. Par conséquent, le contenu et les activités prévus faisaient chaque semaine l’objet d’une discussion par les formateurs internationaux, en collaboration avec les formateurs nationaux. Claire Fenton-Glynn (photo) est professeur de droit au King’s College de Londres. Elle a passé un mois à Mandalay, la deuxième plus grande ville du Myanmar. Elle a particulièrement apprécié cette méthodologie. « En travaillant de cette manière, les formateurs nationaux et les participants eux-mêmes pouvaient s’approprier le processus. Nous étions simplement là pour faciliter leur apprentissage, plutôt que pour le dicter », explique-t-elle.

Et Claire Fenton-Glynn de conclure : « Ce fut vraiment très positif de voir les progrès accomplis grâce au développement de compétences analytiques, et de savoir la différence que cela pourrait faire à l’avenir dans la manière d’aborder le droit, et la vie en général, dans un pays qui commence à peine à se relever après de nombreuses années de dictature militaire ».

Lancé en 2010, l’ILN regroupe aujourd’hui plus d’un millier de professionnels du droit du monde entier, qui s’engagent à soutenir les programmes d’ASF et ses missions sur le terrain.

Le projet pilote mené par ASF et ses partenaires au Myanmar était soutenu par le Programme des Nations Unies pour le développement. Sur le même sujet, voir aussi le récent article sur l’éducation à l’État de droit au Myanmar.

Photo de couverture : Larissa Dinsmoor, avocate au barreau californien, était l’une des sept membres de l’ILN impliqués dans le projet © ASF

L’éducation à l’État de droit comme vecteur de justice sociale au Myanmar

Lashio (nord-est du Myanmar), le 17 février 2015 – Au Myanmar, la notion d’« État de droit »  est souvent utilisée, mais rarement comprise. Dans ce pays qui émerge de plus de 50 ans de dictature militaire, le besoin d’éducation à la justice est incontestable. ASF et ses partenaires y organisent des formations dans le cadre d’un projet pilote de « Centre pour l’État de droit », financé par le Programme des Nations Unies pour le développement.

« Comment cela s’inscrira-t-il dans la durée ? » a demandé Ji Mai (photo ci-dessous) lors de la première réunion du projet à Lashio, une petite ville située non loin de la frontière chinoise. Cette militante communautaire du groupe ethnique Kachin, désormais administratrice du projet, a apprécié le cursus de trois mois développé par les formateurs ASF Jake Stevens et Helen Yandell, des juristes bénévoles venus des quatre coins de la planète, et d’autres partenaires nationaux et internationaux. Elle voulait toutefois s’assurer que le programme ˗ traitant des principes de l’État de droit, de la législation du Myanmar et du développement de compétences ˗ et les forums communautaires destinés à identifier les questions juridiques pertinentes pour la population, permettraient de susciter un changement durable.

Ji Mai (militante communautaire) et Soe Moe Kyaw (ancien éducateur VIH) ont tous les deux assisté aux ateliers du projet en tant que membres de l'équipe © Jake Stevens
Ji Mai (militante communautaire) et Soe Moe Kyaw (ancien éducateur VIH) ont tous les deux assisté aux ateliers du projet en tant que membres de l’équipe © Jake Stevens

Depuis lors, quelque 80 juristes et représentants de la société civile, à Lashio et dans la ville de Mandalay, se sont emparés de ces questions et d’autres. Les méthodologies interactives utilisées lors de la formation visent à une meilleure appropriation du contenu par les participants, mais aussi à développer leurs aptitudes analytiques. Un véritable défi en raison de la faiblesse du système éducatif du Myanmar et de l’héritage laissé par 50 années de régime militaire. Ancien éducateur en prévention VIH, le chef de projet Soe Moe Kyaw (photo ci-contre), explique : « Nous sommes habitués à écouter passivement des discours. Poser des questions ou y répondre peut nous paraître très agressif. » Un défi relevé haut la main, puisque de nombreux participants ont manifesté le souhait d’intégrer ces méthodologies interactives dans leur propre travail, qu’il s’agisse de formations pour la société civile ou de l’accompagnement de jeunes avocats. Ils ont aussi grandement apprécié le contenu du cursus, comme les aspects liés à la résolution alternative des conflits, à l’égalité devant la loi ou aux simulations de procès.

Durant les sessions de formation, les forums publics et les réunions d’information sur le projet, beaucoup ont exprimé le désir d’impliquer des acteurs gouvernementaux à la démarche. Sai Kyaw Tun, de l’organisation Meikswe Myanmar (active dans la santé et l’éducation), raconte : « Nous avons besoin d’ateliers de ce genre dans d’autres communautés afin que les gens comprennent leurs droits. Mais nous devons aussi avoir des forums communs avec la police, les juges et les fonctionnaires gouvernementaux, pour améliorer notre compréhension mutuelle. » De la même manière, des responsables d’organisations LGBT ont demandé une assistance pour concevoir des stratégies permettant d’informer le public et le gouvernement de leurs préoccupations sans déclencher une nouvelle répression policière contre leurs membres. Les acteurs gouvernementaux devraient ainsi être inclus dans une seconde phase du projet.

Le projet actuel sur l’État de droit consiste en réalité en deux activités liées et complémentaires : une série de 42 sessions de formation s’étalant sur 3 mois, et des forums communautaires ouverts. À Lashio, les sujets traités lors des forums comprenaient la lutte contre la discrimination, la promotion de l’éducation juridique au niveau des communautés et la gestion de la toxicomanie. La synergie entre les deux piliers du projet a été manifeste. Les participants rapportent leurs connaissances et compétences fraîchement acquises dans leur communauté et sur leur lieu de travail, dans le but d’appliquer les principes de l’État de droit au quotidien, dans cette période cruciale pour le développement du Myanmar.

Photo de couverture: ASF et ses partenaires organisent des formations dans le cadre d’un projet pilote financé par le PNUD © Jake Stevens

Justice de transition au Burundi : place aux victimes

Bujumbura, le 21 janvier 2015 – ASF (Avocats Sans Frontières) salue la mise en place de la Commission Vérité et Réconciliation comme étape importante dans le processus de traitements des crimes internationaux commis dans le passé au Burundi. ASF rappelle toutefois certaines conditions pour que le processus de justice de transition parte du bon pied.

Prévue par les accords d’Arusha pour la paix et la réconciliation nationale au Burundi signés en 2000 par les parties prenantes au conflit burundais, la mise en place des mécanismes de justice de transition au Burundi a franchi une étape décisive le 10 décembre dernier: les 11 commissaires de la Commission Vérité et Réconciliation (CVR) ont été nommés par le Président burundais.

La CVR sera compétente notamment pour enquêter et établir la vérité sur les violations graves des droits de l’homme commises au Burundi, qualifier ces crimes, publier les listes des victimes, proposer un programme de réparation, de réforme des institutions et de réécriture de l’histoire du Burundi. Avec un mandat de quatre ans, la CVR a la mission de réaliser ces missions aussi lourdes que délicates pour des faits s’étalant sur près de cinq décennies, de 1962 à 2008.

« C’est une avancée importante dans le long chemin vers la réconciliation entre les différentes composantes de la société burundaise. Et le profil de la plupart des 11 commissaires est un atout sur lequel la CVR peut compter pour faire un travail de qualité à la satisfaction du peuple burundais », estime Adrien Nifasha, Coordinateur ASF au Burundi du projet de justice internationale et transitionnelle INTERSECTIONS.

Néanmoins, ASF rappelle une série de conditions préalables sans lesquelles la CVR ne peut valablement faire son travail. Il s’agit entre autres de l’indépendance, l’impartialité et la propre sécurité des commissaires, de la nécessité d’une campagne d’information sur les travaux de la commission à l’attention les victimes, des témoins et des accusés, d’une autonomie de fonctionnement et de gestion financière de la CVR. « Il faudra aussi garantir le respect des piliers de la justice de transition dans le contexte burundais, c’est-à-dire le respect du droit à la vérité, à la justice, à la réparation et aux garanties de non répétition », ajoute Adrien Nifasha.

ASF est prête à accompagner les travaux de la CVR dans ses domaines d’expertise : la représentation des victimes et des accusés, la protection des victimes et témoins, l’appui technique dans l’élaboration des règles de procédure, et le renforcement des capacités des commissaires, des professionnels de la justice et de la société civile dans le domaine de la justice de transition.

« Toutefois, nous ne donnerons notre appui que si les préparatifs et le fonctionnement effectif de la CVR respectent les droits des victimes et des accusés », précise le Coordinateur de projet.

INTERSECTIONS est le projet initié par ASF et ses partenaires dans six pays – Burundi, Colombie, Guatemala, Népal, Ouganda et RD Congo – engagés dans la construction de la justice pénale internationale. Le projet est financé par l’Union européenne.

Photo: établir la vérité sur les violations graves des droits de l’homme commises au Burundi de 1962 à 2008 est l’une des délicates missions de la CVR © 2014 Local Voices

Le projet Kalima : pour défendre la liberté d’expression

Rabat (Maroc), le 8 août 2014 – Avocats Sans Frontières (ASF) entame son cycle de formation et de sensibilisation dans le cadre du projet de promotion de la liberté d’expression et de la protection de personnes comme les journalistes et les bloggeurs. Ce projet appelé Kalima est mis en œuvre en Egypte, au Maroc et en Tunisie, dans une région qui connait une transition politique importante. Il marque également l’ouverture d’un bureau d’ASF au Maroc.

Si les autorités gouvernementales en Tunisie et au Maroc respectent aujourd’hui davantage la liberté d’expression qu’auparavant, la protection des acteurs de cette liberté n’est pas toujours garantie. En Egypte, la situation est davantage dramatique, en particulier pour des journalistes qui font l’objet de pressions et de menaces notamment au nom de la lutte contre le terrorisme. Qu’ils soient journalistes, bloggeurs, avocats, défenseurs des droits humains, l’objectif du projet Kalima est précisément d’accompagner ces acteurs dans leur engagement pour la protection et la promotion de la liberté d’expression.

« Nous avons appelé le projet Kalima car ce mot arabe signifie la parole mais aussi le mot. Il joue sur les deux libertés visées par le projet : la liberté de parole ou d’expression, et la liberté de la presse », explique Bahia Zrikem, la représentante d’ASF basée à Rabat.

Concrètement, Kalima est mis en œuvre avec des partenaires de la société civile marocaine, tunisienne et égyptienne. Il s’agit de soutenir, de protéger et de renforcer les capacités de toute personne ou organisation qui exprime son opinion, témoigne ou diffuse des informations de manière pacifique et indépendante, via les médias notamment.

Des activités de renforcement des compétences des avocats en matière de protection et de promotion de la liberté d’expression seront organisées. En collaboration avec ses partenaires, ASF espère également créer un espace régional d’échanges et de plaidoyer réunissant les acteurs impliqués dans la promotion du droit à la liberté d’expression dans les trois pays d’intervention.

Enfin, « les personnes victimes d’une action menée dans le but d’entraver leur liberté de s’exprimer peuvent nous contacter. Nous travaillons en étroite collaboration avec des avocats et des organisations de défense des droits humains afin d’offrir une protection légale à celles et ceux qui en feront la demande, que cela soit une assistance légale ou encore l’observation du procès », précise Bahia Zrikem.

Grâce au projet Kalima, ASF partagera son expertise en matière d’accès à la justice avec les ONG locales, les avocats et les journalistes afin de leur permettre de faire usage du cadre légal disponible. Objectif : protéger et élargir durablement l’exercice de la liberté d’expression en Egypte, au Maroc et en Tunisie.

Le cycle de formation, ainsi que les ateliers de sensibilisation ont débuté en juin dernier, à Rabat. Cette activité organisée en collaboration avec l’association marocaine ADALA a permis à 25 journalistes et avocats marocains de mieux appréhender les accusations pour diffamation qui peuvent servir à réduire la liberté d’expression. ADALA (mot arabe qui signifie justice) a pour mission de contribuer à la promotion du droit à un procès équitable, notamment l’indépendance de la magistrature.

Des avocates népalaises améliorent leurs connaissances en techniques médico-légales

Katmandou – Pour les tribunaux traitant d’affaires criminelles, les éléments médico-légaux tels que le profilage de l’ADN, les rapports d’autopsie et les empreintes digitales sont des preuves de première main. Les avocats doivent donc être en mesure de comprendre ces sujets techniques qui peuvent jouer un rôle crucial dans la prise de décision. Une formation organisée par Avocats Sans Frontières (ASF), en collaboration avec l’Association du Barreau du Népal et le Comité des Avocates du Barreau de la Cour suprême du Népal, soutient les avocates dans  leur pratique, en particulier dans les cas de violation des droits des femmes.

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La terminologie et la pratique médico-légales doivent être comprises par les avocats – Formation ASF, Katmandou, août 2013 © ASF

Avocats et juges ne comprennent pas toujours la terminologie médico-légale, les rapports d’experts et d’autres actions médico-légales utilisées par médecins et experts dans les affaires et les procès. Pourtant, ces questions peuvent être déterminantes pour trancher dans une affaire. « La preuve scientifique est importante dans les enquêtes criminelles. Prouver ou réfuter les accusations portées contre une personne, grâce à l’ADN par exemple, peut aider à identifier des suspects potentiels », explique Maître Biswo Jit Khadka, Chargé de programme d’ASF à Katmandou. « Dans certains cas, seule la preuve scientifique peut révéler la vérité. C’est pourquoi les différentes parties prenantes – y compris les avocats – doivent être capables de comprendre ce type de preuve ».

La mission d’ASF au Népal est d’améliorer l’accès à la justice pour les personnes en situation de vulnérabilité, le renforcement des capacités des prestataires de services juridiques tels que les avocats, et des services d’aide juridiques efficaces et de qualité. Au Népal, il est particulièrement difficile pour les avocates d’obtenir des formations sur les terminologies et pratiques médico-légales, notamment en raison du népotisme et du favoritisme, mais aussi de la discrimination liée au sexe dans la sélection des participants. « Pourtant, les avocates ont besoin d’avoir  une bonne connaissance en la matière, en particulier parce qu’elles traitent souvent de cas de violations des droits des femmes tels que le harcèlement sexuel, la chasse aux sorcières, les violences domestiques, l’homicide, le suicide, le viol et d’autres formes de violence et de discrimination contre les femmes », souligne Sunil Kumar Pokharel, avocat, Secrétaire générale de l’Association du Barreau du Népal.

C’est pourquoi, fin août, ASF – en collaboration avec l’Association du barreau du Népal et le Comité des Femmes Avocates du Barreau de la Cour Suprême – a organisé, à Katmandou, une journée de formation sur ​​le rôle du médico-légal dans l’efficacité de l’aide juridique pour des avocates praticiennes. Quelques 50 avocates représentant différents Barreaux du pays ont participé à cette formation donnée par d’importants experts médico-légaux et des médecins légistes.

« Cette formation a été très utile pour moi car je défends les droits des femmes. Actuellement, je traite un cas de viol et j’ai besoin de comprendre comment je peux mieux utiliser la collecte de preuves et les résultats afin de renforcer mes arguments juridiques », témoigne l’avocate Radha Sigdel, membre du Barreau du district de Katmandou.

«En améliorant leurs connaissances en sciences médico-légales, nous cherchons à soutenir ces avocates dans leur travail de défense et de protection des femmes et de leurs droits », conclut Biswo Jit Khadka, Chargé de programme d’ASF.

Photo de couverture: Ces femmes avocates pourront améliorer leur pratique dans les cas de violations des droits des femmes, Katmandou, août 2013 © ASF

A la recherche de juristes experts pro bono

Bruxelles, 2 septembre 2013 – L’International Legal Network (ILN) d’Avocats Sans Frontières (ASF) offre la possibilité aux avocats de s’engager bénévolement et ponctuellement en faveur des populations vulnérables en besoin d’assistance légale et judiciaire. Aujourd’hui pourtant, malgré ses 800 membres, ce réseau manque de professionnels du droit spécialisés dans des domaines spécifiques comme la justice pénale internationale ou encore l’organisation de services d’aide légale.

Maître Julie Goffin est avocate au Barreau francophone de Bruxelles et membre de l’ILN. Son engagement en faveur des droits de l’Homme ne date pas d’hier. « Mes parents, déjà, étaient engagés dans ce domaine. En tant qu’étudiante experte, j’ai assisté aux négociations lors de l’adoption du Statut de Rome, le traité fondateur de la Cour Pénale internationale (CPI). C’était en 1998… à Rome », se souvient-elle. Depuis, Maître Goffin a consolidé son expérience en droit des étrangers, droit humanitaire et surtout en droit pénal international. Elle fait d’ailleurs partie de l’équipe d’avocats représentant, à la CPI, une partie des victimes dans les dossiers Katanga et Ngudjolo, tous deux accusés de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre en RD Congo.

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Formation sur la justice pénale internationale à Bukavu, juin 2013 © ASF / G. Van Moortel

C’est donc tout naturellement qu’ASF a fait appel à elle pour animer un atelier deformation sur la justice pénale internationale et le système du Statut de Rome. C’était à Bukavu, ville frontalière avec le Rwanda, en juin dernier. L’objectif était de renforcer les capacités des avocats membres du pool d’ASF en RD Congo en matière de pratique professionnelle et de stratégie d’action. « Il est essentiel de favoriser les échanges d’expériences entre avocats chargés d’assister ou de représenter des victimes de  violations graves des droits humains et des crimes internationaux. Durant ces cinq jours de formation, j’ai trouvé mes confrères congolais très ouverts et très engagés dans la lutte contre l’impunité », témoigne-t-elle.

Créé en 2010, l’ILN met en avant le rôle essentiel des avocats internationaux auprès de leurs confrères travaillant dans des pays où le développement de l’Etat de droit n’est pas encore acquis. Avec l’accroissement des activités d’ASF dans le secteur du renforcement technique des avocats, ce réseau est rapidement devenu une source incontournable d’expertises. « Depuis sa création, les membres de l’ILN ont accompli pas moins de 86 interventions, totalisant 620 jours travaillés. Cet apport a grandement contribué au renforcement des capacités des acteurs locaux », se réjouit Catherine Lalonde, Coordinatrice du réseau.

« Pourtant aujourd’hui, nous manquons de membres dans des domaines tels que la représentation en justice pénale internationale, le cadre international des droits économique et sociaux, le traitement de dossiers de corruption », constate Catherine Lalonde. « Les candidats avec des profils de magistrats, procureurs, et professeurs, ou encore compétents dans l’organisation de services d’aide légale, sont également particulièrement demandés ».

Après une forte phase de développement, le réseau ILN est face à un défi : comment répondre au mieux aux besoins identifiés dans le cadre des projets ASF afin d’accroitre l’efficacité et la qualité des services offerts aux populations les plus vulnérables ? Pour sa part, Julie Goffin sort enrichie de sa mission de formation à Bukavu : « Que ce soit au Congo ou ailleurs, nos confrères nous donnent une vraie leçon de courage car ce sont eux qui prennent tous les risques. Partager nos compétences avec eux, c’est faire preuve de solidarité ».

Pour plus d’information sur l’ILN

Photo de couverture :  « Partager nos compétences avec eux, c’est faire preuve de solidarité. » Julie Goffin, avocate et membre de l’ILN ; Bukavu (RDC), 2013 © ASF / G. Van Moortel