La justice internationale et l’universalité des droits humains en question face au double standard et à la déshumanisation des Palestinien·ne·s

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Depuis le 7 octobre 2023, la crise à Gaza a ravivé des tensions géopolitiques majeures tout en exposant les failles systémiques du droit international et du système de gouvernance mondiale. Dans ce contexte, ASF réaffirme la nécessité de garantir la protection des civil·e·s et le respect du droit international humanitaire.

Au-delà des violations concrètes commises par le gouvernement israélien et son armée, ayant provoqué la mort d’au moins 60.000 Palestinien·ne·s, cette crise révèle des dynamiques plus profondes : un traitement médiatique, juridique et politique asymétrique des violations graves des droits humains en fonction de leurs auteur·rice·s, avec pour conséquence une remise en cause grave de la justice internationale et de l’universalité des droits humains.

Racisme structurel et narratif dominant

Toute attaque contre des civil·e·s constitue une violation du droit international humanitaire. Pourtant, en « Occident », le traitement médiatique et les réactions politiques face aux violences subies d’un côté par la population israélienne et de l’autre côté par la population palestinienne trahissent un double standard flagrant, fondé sur des biais racistes structurels profonds. La vision du conflit imposée par les autorités israéliennes est largement partagée et peu remise en question par les gouvernements et les principales institutions médiatiques. La perspective des Palestinien·ne·s est quant à elle complètement absente des récits dominants sur le conflit, les pertes palestiniennes sont le plus souvent réduites à des chiffres abstraits et présentées comme des conséquences inévitables, voire même un retour de bâton légitime.

On notera que ces récits proposent peu de cadrage historique et évoquent peu voire nient les décennies d’oppression, d’occupation et de colonisation subies par le peuple palestinien, bien que ces violations soient corroborées par les Nations unies et les ONG internationales.

Ce double standard porté par les institutions politiques et médiatiques est l’effet d’un racisme structurel profond, qui hiérarchise les vies humaines selon des critères culturels, géopolitiques ou ethniques. En déshumanisant systématiquement une partie des victimes, elles contribuent à légitimer leur meurtre et à justifier l’impunité de leurs auteur·rice·s.

Justice internationale sous pression

Dans le cadre de son mandat, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Karim Khan, a demandé des mandats d’arrêt contre des responsables du Hamas, mais aussi contre les plus hauts dirigeants israéliens, dont le Premier ministre Benyamin Nétanyahou. Ces mandats d’arrêt font suite à une plainte déposée par l’Afrique du Sud. Celle-ci accuse Israël de violer la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide. Cette initiative met en lumière le rôle moteur de certains pays du Sud Global ayant subi les pires violations des droits humains dans l’activisme en faveur de la justice internationale. Par cette plainte, l’Afrique du Sud cherche à réaffirmer que le droit s’applique à tou·te·s, sans distinction, malgré le silence complice des pays européens et des Etats-Unis.  

Cette démarche, pourtant fondée sur le droit international et l’universalité des droits humains, s’est heurtée à une opposition virulente de nombreux « États occidentaux ». En réponse, ceux-ci ont cherché à discréditer et entraver le travail de la CPI, mais aussi à s’attaquer aux organisations de la société civile qui collaborent avec l’institution. Par leurs actes, ces États s’attaquent directement à l’indépendance de la justice internationale. Pour réaliser son mandat, la CPI dépend de la volonté des pays parties à soutenir son travail et ses procédures, indépendamment des personnes impliquées et des relations politiques et économiques qu’ils peuvent entretenir avec les auteurs de ces crimes. Permettre à la CPI d’enquêter librement est un impératif moral et juridique, indispensable pour garantir la légitimité du système international.

Impact sur le droit international et la gouvernance mondiale

La crise actuelle soulève une question fondamentale. Lorsque les institutions internationales sont affaiblies par des pressions politiques ou contournées par des puissances alliées, leur capacité à faire respecter les droits humains s’effondre. Cette dynamique n’est pas seulement un drame pour le peuple palestinien : elle érode la confiance globale dans la gouvernance internationale, alimente le cynisme et ouvre la voie à de nouvelles formes d’autoritarisme.

ASF alerte sur le danger que représente l’érosion de l’universalité des droits. Si certaines vies valent manifestement moins que d’autres aux yeux du droit, alors le système perd toute crédibilité. La crise à Gaza, et la réponse différenciée qu’elle suscite, devient ainsi un révélateur – mais aussi un catalyseur – de la crise plus large du multilatéralisme et de la gouvernance mondiale.