Ce 11ème ExPEERience Talk sera consacré à la Campagne pour la décriminalisation de la pauvreté, du statut et de l’activisme. Plusieurs de ses membres viendront y présenter son histoire, son fonctionnement, ses premières victoires et aborderont les défis rencontrés et les opportunités que présentent la mise en réseau d’une multiplicité d’acteur.rice.s pour s’attaquer à un enjeu mondial et systémique d’une telle ampleur.
Partout dans le monde, en effet, des lois et des pratiques policières et pénales tendent à contrôler, arrêter et enfermer disproportionnellement les populations en situation de vulnérabilité ou de marginalisation (personnes pauvres ou sans-abri, personnes LGBTQI+, travailleur‧euse‧s du sexe, personnes migrantes, etc.). Les délits mineurs – mendicité, désordre sur la voie publique, consommation de drogues, vagabondage…- sont utilisés contre ces personnes dans le seul but de criminaliser ce qu’elles représentent dans la société plutôt que les délits qu’elles ont commis. On assiste aussi, dans de nombreux pays, à un rétrécissement de l’espace civique et à une instrumentalisation du droit pénal pour réprimer l’activisme et étouffer la dissidence. Ces phénomènes sont profondément ancrés dans les législations, institutions et pratiques des États à travers le monde.
Au cours de cet ExPEERience Talk, des intervenant.e.s, travaillant pour plusieurs organisations membres de la campagne, viendront illustrer les conséquences très concrètes de ces lois et pratiques liberticides sur la société civile et les populations. Il.elle.s évoqueront également différentes actions entreprises dans le cadre de la campagne : recherches conjointes, actions contentieuses et actions de plaidoyer devant les institutions nationales et internationales.
À ce jour, la campagne est portée par une cinquantaine d’organisations de la société civile issues de nombreux pays. Son ambition est de créer les conditions d’un changement global des lois, politiques et pratiques pénales et sociales en adoptant une stratégie transnationale et multisectorielle.
Intervenant‧e‧s
Khayem Chemli – Advocacy officer chez ASF (modérateur)
Soheila Comninos – Senior program manager chez Open Society Foundations
Arnaud Dandoy – Research & Learning Manager chez ASF en Tunisie
Nous sommes très heureux‧ses de pouvoir vous présenter la revue académique ‘Entreprises & Droits Humains’. Elle est le fruit du travail des étudiant·es de la Faculté de droit de Sfax dans le cadre du projet PREVENT (mené par ASF en collaboration avec le Forum Tunisien pour les Droits Économiques et Sociaux (FTDES) et IWATCH). Cette initiative a pour but de mettre la lumière sur ASF et ses partenaires veulent mettre l’accent sur l’importance de toujours lier la question du développement économique à celles du respect de l’environnement et des droits fondamentaux des populations. Il est fondamental que les générations futures puissent s’approprier et s’emparer de ces enjeux. Les étudiant‧e‧s et les jeunes chercheu‧re‧s d’aujourd’hui seront les acteur‧rice‧s de demain. C’est eux‧elles qui ont le pouvoir de permettre à nos sociétés continuent à se développer tout en respectant les droits de chacun et chacune mais aussi les équilibres écosystémiques qui garantissent le bon développement de la faune, de la flore et de l’humain.
Dans le cadre de cette série académique, les auteur·ice‧s examinent des thèmes tels que :
les atteintes à l’environnement et la responsabilité civile
les mécanismes de négociation et de contrôle
l’organe de règlement des différends de l’Organisation Mondiale du Commerce
la protection de l’environnement
la responsabilité pénale pour délit environnemental
le droit à un environnement sain
les droits sociaux des travailleur·euses à travers la loi sur le travail et la sécurité sociale.
Nous tenons à exprimer notre profonde gratitude envers la faculté de Sfax et Madame Afef Marrakchi, professeure chargée de travaux, pour leur confiance et leur collaboration. Leur soutien inconditionnel a été essentiel pour mener à bien ce projet. Nous adressons également nos remerciements aux étudiant·es et chercheur·euse‧s pour leur temps, leur dévouement et leur précieuse contribution à cette revue académique et aux réflexions qui y sont produites.
Nous espérons que cette revue stimulera la réflexion et suscitera des débats fructueux. Nous vous invitons à vous plonger dans ces pages pour en apprendre davantage sur ce qui sera un des grands enjeux de notre siècle. Ensemble, nous pouvons construire un avenir dans lequel chacun et chacune assument pleinement ses responsabilités en matière de respect de l’environnement et des droits humains.
Articles disponibles en français
I- La responsabilité sociétale des entreprises : approche comparée Fadhel Raniap.02
II- La responsabilité sociétale du groupe chimique tunisien envers la région de Gabès JEMAI Moutawakkel p.15
III- Le contrôle de la responsabilité sociale des entreprises dans les banques tunisiennes Firas Hakim p.41
V- La protection des droits de l’Homme face à la libéralisation du commerce international Asma Dabbech p.70
VI- L’organe de règlement des différends de l’OMC et la protection de l’environnement Sirine Rebai p.83
VII- Les mécanismes de dénonciation et de contrôle Nadia Louati Ben Moallem p.97
Articles disponibles en arabe
قراءة نقدية لقانون المسؤولية المجتمعية » قانون عدد 35 لسنة 2018 p.118 في 11 جوان 2018″: شيماء غبارة
قطاع المحروقات وحماية البيئة من خلال الاتفاقيات الدولية: ابتسام الشتيوي p.134
p. 154 الحق في بيئة سليمة : هناء الرقيق
الحقوق الاجتماعية للعمال من خلال قانون الشغل والضمان الاجتماعي: سندس p.164 عبداللاوي p.177 الضرر البيئي و المسؤولية المدنية : محمد الخرّاط p. 194 المسؤولية الجزائية عن الجريمة البيئية: نجاح جدائدة p.207 تأثير الإشكالات العقارية على البيئة: مريم بلمقدم p.216 الاستثمار وحماية البيئة: خلود هدريش
Réalisé en partenariat avec laFaculté de droit de Sfax
Cette initiative a été mise en place dans le cadre du projet PREVENT (Pour la responsabilité et la vigilance des entreprises)
Le prochain ExPEERience Talk (webinar) organisé par ASF et son réseau Justice ExPEERience abordera le thème de la campagne pour la décriminalisation de la pauvreté, le statut et l’activisme. Il aura lieu le jeudi 5 octobre 2023 à 12h (Tunis) – 13h (Bruxelles). Vous pouvez d’ores et déjà vous inscrire, la participation est gratuite.
La Campagne pour la décriminalisation de la pauvreté, du statut et de l’activisme, lancée en Afrique, en Asie du Sud, en Amérique du Nord et dans les Caraïbes, est portée par une coalition d’organisations de la société civile qui plaident pour la révision et l’abrogation des lois qui visent les personnes en raison de leur statut (social, politique ou économique) ou de leur activisme.
Dans de nombreux pays, la procédure pénale, les codes pénaux et les politiques de maintien de l’ordre continuent de refléter un héritage colonial. Des délits datant de l’époque coloniale, tels que le vagabondage, la mendicité ou le désordre, sont couramment utilisés contre les personnes déjà en situation de vulnérabilité (sans-abri, personnes porteuses d’handicaps, usager‧ère‧s de drogues, LGBTIQ+, travailleur‧euse‧s du sexe, personnes migrantes…), dans le seul but de criminaliser ce qu’elles représentent dans la société plutôt que les délits qu’elles ont commis.
Parallèlement, dans plusieurs de ces pays, on assiste à une instrumentalisation du droit pénal pour réprimer l’activisme et étouffer la dissidence. Les lois sur la sédition datant de l’époque coloniale et les lois plus récentes sur l’ordre public, par exemple, sont des outils omniprésents déployés par les États pour étouffer les protestations et limiter la liberté d’expression. Les États utilisent l’appareil sécuritaire, la justice et la détention à l’encontre de personnes et de groupes qui ne représentent pas un danger pour la sécurité des citoyen.ne.s, mais plutôt pour le maintien du statu quo et les privilèges d’une minorité.
Cet abus de pouvoir a un coût profond en termes de droits humains, se manifestant par la discrimination, le recours à la force létale, la torture, l’emprisonnement arbitraire et excessif, des condamnations disproportionnées et des conditions de détention inhumaines. Cette situation, à laquelle s’ajoutent des formes d’oppression croisées, basées sur le sexe, l’âge, le handicap, la race, l’origine ethnique, la nationalité et/ou la classe sociale de personnes déjà en situation de marginalisation. Les populations les plus touchées par cette criminalisation du statut, de la pauvreté et de l’activisme sont aussi celles qui sont le plus affectées par des phénomènes tels que la surpopulation carcérale, la détention provisoire, la perte de revenus familiaux, la perte d’un emploi, etc.
En 2021, la campagne, qui regroupe des avocat.e.s, des juristes, des membres du pouvoir judiciaire, des militant.e.s et des expert.e.s de plus de 50 organisations, a remporté des victoires importantes, notamment suite à des procès historiques contre diverses lois devant des tribunaux nationaux en Afrique. Nous pouvons citer l’adoption des principes sur la décriminalisation des délits mineurs par la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples et l’établissement par le Parlement panafricain en 2019 de lignes directrices pour une loi normative/modèle sur la police.
La Campagne représente donc une véritable opportunité pour un changement global des lois, politiques et pratiques pénales et sociales. Pour la première fois, la société civile se concentre sur les dysfonctionnements communs de la chaîne pénale et établit, entre autres, des liens entre la législation coloniale en matière de textes pénaux et la criminalisation de la pauvreté, dans un contexte mondial de rétrécissement de l’espace civique.
La campagne, à ce jour, est organisée à travers plusieurs comités : un comité mondial, dont ASF fait partie, et des sous-groupes thématiques et géographiques afin de garantir une meilleure représentativité des acteur.rice.s et un plus grand impact.
Avocats Sans Frontières est membre respectivement des comités de coordination des sous-groupes Francophonie et Afrique du Nord. Cette structuration voulue par la campagne vise à renforcer davantage les objectifs de recherche, les priorités et les cibles en matière de plaidoyer et de sensibilisation.
Á l’occasion du 18eme Sommet de la Francophonie, qui s’est tenu à Djerba le 19 et le 20 Novembre 2022, ASF et ses partenaires au sein de la coalition Tunisienne pour la dépénalisation des délits mineurs et de la pauvreté, ont organisé un événement-parallèle à Djerba durant lequel des revendications ont été formulées à l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), contenues dans un document public s’intitulant la « Déclaration de Djerba ». Les signataires estiment que l’OIF pourrait et devrait jouer un rôle central dans la promotion des valeurs des droits humains, et promouvoir la décriminalisation des infractions mineures qui, outre leur caractère discriminant, aggravent les phénomènes de surpopulation carcérale, qui sont eux-mêmes responsables de l’aggravation des conditions de détention inhumaines et dégradantes.
Le sous-groupe francophone, dont ASF est membre, a entamé une série de rencontres internes de concertation en mars 2023. Celles-ci doivent aboutir à la rédaction d’une charte qui rassemblera la vision et les objectifs communs de ses membres. Elle servira de base à la mise en place d’une stratégie de plaidoyer vis-à-vis des acteur.rice.s d’influence, à l’instar de l’Union européenne et ses États membres, l’Union Africaine et ses États membres, les différentes institutions européennes responsables des politiques de coopération, ainsi que les institutions et différents mécanismes des Nations Unies.
L’équipe d’Avocats Sans Frontières est ravie de pouvoir vous présenter son dernier rapport annuel.
Que de chemin parcouru depuis la création d’ASF en 1992 par des avocat.e.s belges. Durant ces 30 années, ce sont des centaines de personnes qui ont contribué à faire évoluer l’organisation pour qu’elle devienne ce qu’elle est aujourd’hui : une organisation militante active dans une dizaine de pays qui œuvre pour la promotion de l’accès à la justice et d’un État de droit fondé sur les droits humains en étroite collaboration avec des acteur.rice.s locaux.les.
Ces trente années d’action, les ancrages locaux que nous avons développés et les liens que nous avons tissés avec des défenseur.e.s des droits humains des quatre coins du monde nous donnent beaucoup de force et de confiance pour envisager l’avenir et poursuivre le déploiement d’une action impactante au service des populations en situation de vulnérabilité (femmes, enfants, communauté LGBTQI+, minorités ethniques, personnes en situation de détention, personnes en situation de migration, etc.).
Mais les défis sont nombreux. Partout à travers le monde, les organisations de la société civile et les défenseur.e.s des droits humains font face à des évolutions et des tendances inquiétantes : montée des autoritarismes, rétrécissement de l’espace civique, défiance croissante des populations envers les institutions, tensions sociales exacerbées, etc.
Les défenseur.e.s des droits humains et de l’accès à la justice doivent travailler dans des contextes qui leur sont de plus en plus hostiles. Les notions mêmes de droits humains et d’État de droit sont remises en question. Les activistes, les avocat.e.s et les journalistes qui œuvrent pour la défense des droits fondamentaux des populations en situation de vulnérabilité sont de plus en plus systématiquement visés par des politiques répressives illibérales.
Chaque page de ce rapport témoigne de la vigueur de la flamme qui anime celles et ceux qui s’engagent pour maintenir les droits humains au cœur même de nos sociétés, au risque et au péril de leur propre liberté. Ce rapport est un hommage à chacune et chacun d’eux.elles.
Lors de ce 10ème ExPEERience Talk, Nadia Ben Halim (consultante) et Zeineb Mrouki (Coordinatrice programmes ASF Tunisie) présenteront une étude sur la responsabilité des entreprises en matière de droits humains dans le secteur du textile dans le gouvernorat de Monastir en Tunisie.
L’industrie textile pèse aujourd’hui 3000 milliards de dollars, c’est un des secteurs économiques les plus importants à l’échelle mondiale. En Tunisie, la production de vêtements représente un quart de la production industrielle du pays en termes de produit intérieur brut, ce qui en fait un secteur central de l’économie tunisienne. Cependant, depuis des années, des organisations de défense des droits humains et rapports officiels documentent des violations systémiques des droits des travailleur‧euse‧s (conditions de travail indignes, travail informel et illégal, etc.). Parmi les entreprises qui se rendent coupables de violations flagrantes des droits des travailleur‧euse‧s, on retrouve bon nombre de sous-traitants d’entreprises multinationales. Celles-ci manquent systématiquement à leurs obligations et à l’application du devoir de diligence tout au long de la chaîne d’approvisionnement, comme prévu par les standards internationaux.
L’étude, réalisée sur la base de recherches documentaires, d’enquêtes de terrain et notamment de consultations avec les ouvrières du secteur textile dans le gouvernorat de Monastir, fait le constat de violations systématiques des droits des travailleur‧euse‧s, notamment l’absence de couverture sociale, des licenciements abusifs, la non-comptabilisation des heures supplémentaires, ainsi que des discriminations visant spécifiquement les femmes. Des recommandations sont formulées afin de lutter contre l’impunité des entreprises face aux violations de droit qu’elles commettent.
Cette étude s’inscrit dans le cadre du projet PREVENT – Pour une Responsabilité et une Vigilance des Entreprises, déployé en collaboration par Avocats Sans Frontières (ASF), le Forum Tunisien des Droits économiques et sociaux (FTDES) et l’organisation I Watch. Ce projet a notamment permis la mise en place d’un mécanisme visant à fournir l’accès à l’information et à l’assistance judiciaire aux personnes les plus exposées aux violations des activités des entreprises industrielles, notamment dans le secteur du textile.
L’étude sera publiée sur le site d’ASF à la fin du mois de juin. Vous pouvez déjà lire le policy brief sur le site d’ASF : « Les travailleueur‧euse‧s du textile tunisien en quête de dignité et de justice face à des pratiques abusives et discriminatoires ».
L’Alliance Sécurité et Libertés (ASL), dont ASF est membre, publie son cinquième rapport sur l’État de droit et l’état des libertés en Tunisie. Amorcé au lendemain du coup de force du Président Saïed le 25 juillet 2021, le travail de monitoring et d’analyse quantitative et qualitative mené par ASL revient dans cette cinquième édition sur les événements, décisions et réactions qui ont suivi le vote controversé de la nouvelle Constitution tunisienne le 25 juillet 2022.
Il y a plus d’un an et demi, le 25 juillet 2021, le Président Saïed activait en effet l’article 80 de la Constitution et instaurait un état d’exception. Cette date a marqué le début de son entreprise de démantèlement des institutions issues de la transition post-2011 : parlement gelé puis dissous, instances constitutionnelles dissoutes, pleins pouvoirs par décret, ratification d’une Constitution unilatéralement rédigée par Saïed et votée dans des conditions délétères…
Le tableau que dresse ce bulletin laisse peu de doutes quant aux desseins autocratiques du Président Saïed et sa volonté de clore définitivement le chapitre de la transition démocratique en Tunisie. Il impose de manière unilatérale un projet politique aux contours flous mais assurément vertical, autoritaire et populiste.
Plusieurs tendances et évolutions se dégagent du travail de monitoring et d’analyse de l’Alliance Sécurité et Libertés.
Au niveau institutionnel, la période a été marquée par le vote et la ratification de la nouvelle Constitution consacrant l’hypertrophie de l’exécutif au détriment des pouvoirs législatif et judicaire, considérablement affaiblis. Les scrutins ayant mené au vote de la Constitution et à l’élection de la première chambre du Parlement se sont caractérisés par leur incompatibilité avec les normes électorales et des taux de participation historiquement bas. Le pouvoir judiciaire continue quant à lui d’être attaqué et démantelé, le tout sur fond de crise socio-économique majeure.
En parallèle, les droits et libertés continuent de s’éroder, dans un contexte d’instrumentalisation de la justice et de l’appareil sécuritaire, et de répression des opposant.e.s, de la presse et des syndicats. Les mesures administratives arbitraires de restrictions des libertés et l’adoption de décrets-lois liberticides sont devenues des pratiques courantes. Ces derniers mois ont aussi été marqués par une campagne de violences racistes – soutenues par la rhétorique haineuse de l’État – envers les populations subsahariennes, à l’heure où toujours plus de migrant.e.s (Tunisien.ne.s ou non) tentent de rejoindre l’Europe par la mer au péril de leur vie.
Enfin, l’étau se resserre toujours davantage sur une opposition qui peine à faire front uni face au régime. La scène politique demeure instable et mouvante. Plusieurs initiatives d’opposition (civiles et politiques) coexistent mais ne parviennent pas à constituer une force d’opposition en capacité de mettre à mal les desseins autoritaires du Président, tandis que certain.e.s de ses allié.e.s prennent leurs distances.
Sur la scène internationale, la Tunisie s’isole. Les condamnations s’enchaînent et s’intensifient même depuis les vagues d’arrestations de personnalités publiques de ces derniers mois et le déploiement d’une rhétorique xénophobe à l’encontre des migrant.e.s subsaharien.ne.s. C’est dans ce contexte que le Président engage des efforts diplomatiques, notamment auprès des États arabes, pour obtenir des soutiens à l’international.
L’Alliance pour la Sécurité et les Libertés
L’Alliance pour la Sécurité et les Libertés (ASL) est une alliance d’organisations de la société civile tunisienne et internationale basée en Tunisie qui, dans la continuité de la Révolution de la Liberté et de la Dignité, réfléchit, mobilise et agit pour que la Tunisie consolide la construction d’un Etat démocratique dont les politiques publiques sont au service des citoyens garantissant la paix, le respect de leurs droits humains et de l’égalité entre toutes et tous.
Rapports
Quatre bulletins périodiques ont déjà été publiés 50, 100, 200 et 365 jours après le 25 juillet 2021. Retrouvez tous les rapports de l’Alliance Sécurité et Libertés.
Tunisie : De l’État d’exception au virage populiste et autoritaire
Alors que la Tunisie incarnait jusqu’alors l’exception démocratique de la région après les révolutions arabes de 2011, le coup du Président Saied le 25 juillet 2021, date à laquelle le pays est entré en Etat d’exception (suspension du Parlement, limogeage du chef du gouvernement et prise de contrôle de l’exécutif et du législatif par le Président), a généré une crise de l’Etat de droit qui risque aujourd’hui plus que jamais de mettre un terme à la transition démocratique en Tunisie.
Ce virage autoritaire, la fin de la séparation des pouvoirs, entérinés par la nouvelle Constitution votée un an plus tard par moins d’un tiers des électeur.rice.s, s’est accompagné d’atteintes croissantes et majeures à l’Etat de droit et aux droits et libertés. Révocation arbitraire de juges, presse et médias qui subissent de plus en plus d’entraves, opposant.e.s, avocat.e.s, syndicalistes et journalistes poursuivi.e.s et arrêté.e.s. L’espace civique se rétrécit chaque jour davantage et les associations semblent être les prochaines dans le viseur du pouvoir. Les institutions indépendantes issues de la Constitution de 2014, comme le Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM), l’Instance de contrôle de constitutionnalité des projets de loi (IPCCPL) ou encore l’instance de lutte anti-corruption (INLUCC) ont aussi été méticuleusement démantelées. L’ISIE, instance chargée des élections, désormais inféodée au pouvoir, a organisé en décembre et janvier derniers des législatives boudées par l’écrasante majorité des Tunisien.ne.s (89%). Enfin, la montée de la xénophobie, alimentée par les propos complotistes et racistes du Président en février 2023, a généré une vague de violence sans précédent envers les personnes noires, essentiellement des migrant.e.s subsaharien.ne.s.
Le tableau est d’autant plus sombre à l’heure où la crise économique et sociale continue de s’aggraver, générant paupérisation et le départ, au péril de leur vie, de nombreux.seuse.s Tunisien.ne.s et migrant.e.s depuis les côtes. Le pays peine aussi toujours à conclure un accord avec le Fonds Monétaires Internationales (FMI) et la perspective du défaut de paiement se rapproche dangereusement.
« 500 jours après l’article 80 » : le travail de monitoring de l’Alliance Sécurité et Libertés
Dès le 25 juillet 2021, ASF et les membres de l’Alliance Sécurités et Libertés, ont entamé un important travail de monitoring portant sur les conséquences des actions du président Kais Saied sur la situation de l’Etat de droit et des libertés en Tunisie. À travers une analyse qualitative et quantitative, quatre bulletins périodiques ont déjà été publiés 50, 100, 200 et 365 jours après le 25 juillet 2021. Le prochain bulletin à paraître, qui couvrira les développements depuis le vote de la nouvelle Constitution unilatéralement rédigée par le Président Saied, proposera une analyse sur la grave détérioration de la situation du pays ces derniers mois.
L’analyse de l’échiquier politique et institutionnel (I) reviendra notamment sur la nouvelle répartition des pouvoirs issue de la Constitution de 2022, l’abstention massive aux scrutins de la dernière année écoulée à la suite de processus électoraux bafouant tout standard d’élections libres et l’émergence de nouvelles institutions douteuses en termes de légitimité et d’indépendance ainsi que sur la situation du pouvoir judiciaire et la crise socio-économique que traverse le pays.
Les droits et libertés (II) abordera elle l’instrumentalisation de la justice contre les opposant.e.s au régime, la répression de la presse et des médias et du travail syndical ou encore la situation migratoire en Tunisie, et les violences massives subies par les personnes noires dans le pays.
Enfin, le positionnement (III) analysera les recompositions de la scène politique tunisienne et de leurs positionnements vis-à-vis de la « feuille de route » du Président. Seront également analysées les réactions de l’étranger par rapport aux dérives du régime ainsi que la politique diplomatique tunisienne, notamment ses efforts de rapprochement avec les États arabes et l’Italie.
ExPEERience Talk
Comment en est-on arrivé là ? Quel est l’état de la résistance face à ces dérives ? Quelles perspectives pour l’avenir ?
Pour apporter des éléments de réponse à ces questions et fournir une analyse du tournant autoritaire en Tunisie, nous recevrons Lamine Benghazi (coordinateur de programme pour ASF en Tunisie) et Mahdi Elleuch (coordinateur du département de recherche pour Legal Agenda à Tunis) le jeudi 30 mars pour notre 8ème ExPEERience Talk. Intitulé « Dérive autoritaire en Tunisie : diagnostic et cartographie des pouvoirs« , ce Talk prendra la forme d’un dialogue entre nos deux invités, puis d’un échange avec les participant.e.s, concernant la situation actuelle en Tunisie, ses enjeux et ses conséquences, sur la base de l’analyse effectuée dans le cadre de l’élaboration du rapport « 500 jours après l’article 80 » qui sera publié prochainement.
L’Alliance pour la Sécurité et les Libertés (ASL) est une alliance d’organisations de la société civile tunisienne et internationale basée en Tunisie qui, dans la continuité de la Révolution de la Liberté et de la Dignité, réfléchit, mobilise et agit pour que la Tunisie consolide la construction d’un Etat démocratique dont les politiques publiques sont au service des citoyens garantissant la paix, le respect de leurs droits humains et de l’égalité entre toutes et tous.
Rapports
Retrouvez tous les rapports de l’Alliance Sécurité et Libertés. Le rapport ‘500 jours après l’article 80’ est en cours de rédaction et sera bientôt disponible.
ASF se joint à Open Society Foundation, APCOF, PALU, et ACJR dans une campagne pour promouvoir la dépénalisation et la déclassification des délits mineurs. Le « vagabondage », les « comportements désordonnés » ou encore l’ « oisiveté » demeurent des motifs valables pour arrêter et incarcérer des individus, contribuant notamment à la surpopulation endémique des prisons à travers le monde. Affectant particulièrement les personnes en situation de vulnérabilité, ces lois et leur application sont arbitraires et discriminatoires.
Dans de nombreux pays du continent africain, de telles infractions ont été instaurées à l’époque coloniale. Abrogées dans les anciennes puissances coloniales, elles restent en vigueur dans de nombreux États d’Afrique.
En subissant une réponse pénale face à des problèmes socio-économiques, les populations vulnérables sont encore davantage marginalisées. Le maintien de ces délits mineurs dans le code pénal alimente donc un cercle vicieux. Dans de nombreux pays, la pénalisation des infractions mineures est l’une des principales causes de la surpopulation carcérale. Dépénaliser ces infractions et mettre un terme à la détention de personnes qui ne sont pas un danger à l’ordre public est la seule issue envisageable à long terme.
Dans le cadre de la campagne Poverty is not a crime, plusieurs organisations se sont mobilisées dans le but de dépénaliser ces infractions mineures. Des actions de plaidoyer s’organisent à l’échelle nationale et régionale, en mobilisant les équipes et les partenaires d’ASF.
Dans le cadre d’actions internationales, et à la suite d’une interpellation lancée à l’initiative de la Pan-African Lawyers Union (PALU), la Cour Africaine des Droits des Hommes et des Peuples a statué le 4 décembre 2020 à l’unanimité en faveur de la dépénalisation des délits mineurs. Elle a déclaré ces lois et règlements incompatibles avec la Charte africaine, la Charte des enfants et le Protocole de Maputo. C’est suivant cet avis qu’elle a ordonné aux États concernés de revoir, d’abroger et, le cas échéant, de modifier ces lois et règlements.
La pénalisation des délits mineurs est incompatible avec le principe constitutionnel de l’égalité devant la loi et de la non-discrimination. Ses effets touchent disproportionnellement les couches de la population les plus pauvres, les personnes en situation de vulnérabilité ainsi que les femmes. Ces pratiques portent gravement atteinte à leurs libertés, dont la libre circulation et la liberté d’expression.
ASF salue la décision de la cour africaine et se joint aux organisations de la société civile qui réclament l’abrogation de telles infractions et de toute forme de répression injustifiée.
Tunis, le 28 février 2019 – Pays d’origine, de transit et de destination pour les victimes de la traite des êtres humains, la Tunisie s’est dotée depuis 2016 d’un cadre juridique fort pour combattre ce phénomène. Mais comment assurer une collaboration efficace entre les acteurs impliqués ? Le 23 janvier, journée nationale de l’abolition de l’esclavage, ASF et l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes organisaient un colloque international pour faire le point sur la question.
« Pour lutter contre la traite, il est essentiel que les différents acteurs impliqués collaborent et se coordonnent », explique Zeineb Mrouki, coordinatrice de projet pour ASF en Tunisie (à droite sur la photo ci-dessous). « L’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes est chargée d’établir un mécanisme national de référencement (MNR) pour organiser cette coopération entre les agences gouvernementales et la société civile. Il doit permettre l’identification des victimes, leur orientation vers les services adéquats, leur accompagnement et leur protection. »
Ministères, forces de l’ordre et des douanes, travailleurs sociaux, inspection du travail, délégué.e.s à la protection de l’enfance, société civile… se sont ainsi réunis pour partager leurs expériences en matière de référencement des victimes, et élaborer ensemble des recommandations pour la mise en place du futur MNR.
Deux constats principaux émergent des discussions : la nécessité de former les acteurs impliqués sur les dispositions prévues par la Loi organique n°2016-61 relative à la prévention et à la lutte contre la traite des personnes ; et le besoin, au niveau de chacun des acteurs, d’adapter ses pratiques à cette loi.
Les personnes étrangères en situation illégale ont, par exemple, droit à la protection lorsqu’elles sont victimes de traite. Pourtant, elles sont le plus souvent expulsées du pays par la police sans avoir pu en bénéficier, faute d’avoir été identifiées et reconnues comme telles. Les techniques d’investigation et les techniques d’écoute des victimes, quant à elles, ne sont pas adaptées aux cas de traite.
Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur la traite, 780 cas de traite des personnes ont été enregistrés. Les victimes sont de plus en plus nombreuses à porter plainte. Cependant, à ce jour, aucun jugement n’a retenu la qualification de traite pour les infractions commises, soit parce que les juges méconnaissent la loi, soit parce qu’ils souhaitent privilégier des peines moins élevées. Appel est donc lancé aux juges chargés d’affaires de traite, pour qu’ils utilisent les outils mis à leur disposition par la loi.
« Nous appelons aussi les ministères concernés, comme celui de la Santé ou de la Femme, à mettre en application les dispositions prévues », rajoute Zeineb Mrouki. « Il s’agit entre autres de la gratuité des soins et de la mise à disposition d’un logement pour les victimes », conclut-elle.
Le 24 janvier, au lendemain du colloque, des sessions de sensibilisation étaient organisées dans le centre-ville de Tunis, pour informer le grand public sur la réalité de la traite et les droits de ses victimes.
Le colloque et la journée de sensibilisation étaient organisé par l’Instance nationale de lutte contre la traite des personnes et Avocats Sans Frontières avec la participation du Conseil de l’Europe, de l’Organisation internationale pour les migrations, du Programme des Nations Unies pour le développement, du Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme et de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime.